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  • Naufrages dans la Manche : « Il serait juste que les Britanniques s’engagent dans la gestion des flux migratoires »
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    Naufrages dans la Manche : « Il serait juste que les Britanniques s’engagent dans la gestion des flux migratoires »
    Tribune Cyrille Schott,Préfet honoraire de région
    Mardi 3 septembre, douze personnes sont mortes noyées dans la Manche après le naufrage de leur embarcation de fortune, en cherchant à rallier l’Angleterre. L’émotion est forte. Les autorités accusent les passeurs. Les associations accusent les Etats. Et tout continue comme avant.Le Royaume-Uni n’a jamais appartenu à l’espace Schengen et, désormais, il ne fait plus partie de l’Union européenne (UE). La France est tenue de protéger les frontières extérieures de l’espace Schengen contre des flux migratoires venant de l’Angleterre… qui n’existent pas. Mais le gouvernement français empêche des migrants de quitter l’espace Schengen, ce qui ne fait pas partie de sa mission.
    Le Royaume-Uni a réussi à exporter sa frontière sur le territoire français, où nos 1 700 policiers et gendarmes déployés sur le littoral œuvrent comme gardes-frontières « supplétifs » de Sa Gracieuse Majesté, une qualification dont ils se passeraient d’autant plus que les médias britanniques ne cessent de vilipender leur travail.
    Une solution radicale serait de renvoyer les Britanniques à leurs responsabilités, en dénonçant les accords du Touquet (2003), et de leur laisser le soin de protéger leur frontière sur leur sol. Sans en arriver là, encore que l’idée se défende, il serait juste que les Britanniques s’engagent dans la gestion des flux migratoires autrement qu’en finançant des dispositifs consistant à ériger un « mur » sur le continent, constamment contourné. Après que les accès à leur île ont été verrouillés sur le port de Calais et aux entrées du tunnel de Sangatte, ils doivent faire face aux traversées de la Manche par les migrants.
    Partant de divers points du littoral, les 30 000 à 40 000 personnes arrivant annuellement par cette voie constituent une goutte d’eau dans la masse des 1,2 million de migrants accueillis en 2023 au Royaume-Uni. C’est l’accent mis sur ces entrées, à cause d’une frontière voulue fermée et de l’acharnement de certains médias, qui crée le problème. L’entrée du Royaume-Uni dans l’espace Schengen, à l’instar de la Suisse, réglerait la question.
    Lorsque j’étais préfet du Pas-de-Calais, j’ai eu à m’occuper du camp de Sangatte, prévu pour 200 personnes et qui avait fini par en héberger 1 700, toutes espérant réussir le passage par le port de Calais ou le tunnel de Sangatte. Ce camp, qu’une Croix-Rouge fatiguée gérait avec dévouement, tenait de la poudrière, que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, décida de fermer en 2002. Le gouvernement britannique, sous pression constante des tabloïds et trop heureux de la décision, accueillit sans barguigner 1 400 occupants du camp, les 300 autres l’étant par la France.
    La question des flux n’était toutefois pas réglée. Nous avons alors, avec mes services et les forces de sécurité, inventé le plan « Ulysse » autour de plusieurs idées : ne plus laisser de migrants se fixer sur la côte, entre Calais et Sangatte, et les encourager à demander l’asile en France ; à défaut, les faire interpeller par les forces de sécurité avant qu’ils ne s’installent et reconduire chez eux, une minorité, ceux susceptibles de l’être compte tenu des conditions de sécurité dans leur pays d’origine ; éloigner les autres du Calaisis, en les transportant dans des autocars confortables, dotés de nourriture et de boisson, dans des centres de la Sonacotra, distants de centaines de kilomètres, avant d’examiner leur situation pour l’octroi éventuel de l’asile.
    Il fallait des effectifs suffisants, au moins trois unités de forces mobiles, pour contrôler le littoral ; des autocars et des interprètes pour l’éloignement du Calaisis ; et assez de places pour l’accueil. Tant que le ministre suivit le dossier, je reçus les moyens nécessaires. Après qu’il eut considéré l’affaire politiquement gérée, je me retrouvai seul face aux responsables à même d’octroyer ces moyens et je peinai à les obtenir. Néanmoins, et malgré les retours de personnes déplacées vers des centres d’accueil, pas plus de 100 à 150 migrants séjournaient dans le Calaisis à mon départ du département, en juillet 2004. Cela au prix d’un suivi très attentif et quotidien de la situation.
    Lorsqu’en 2016, le gouvernement a fait démonter ce qu’on a appelé « la jungle », entre 7 000 et 10 000 personnes s’y étaient établies dans des conditions indignes. Et, aujourd’hui, des milliers sont éparpillés le long de la côte.Si la France veut éviter la solution radicale et une tension majeure avec le Royaume-Uni, du moins pourrait-elle exiger de celui-ci qu’il s’implique dans l’examen de la situation des personnes désireuses de rejoindre son sol. Il faudrait alors ne pas laisser s’installer les migrants sur le littoral, et les conduire dans des centres d’accueil éloignés, en évitant de les regrouper en un seul endroit pour ne pas créer un point de fixation et d’attraction. Cela suppose des forces de sécurité en nombre suffisant et que la loi autorise ce transport d’autorité, un jugement de tribunal administratif l’empêchant actuellement, selon mes informations.
    Des équipes mixtes franco-britanniques se rendraient sur place pour analyser la situation des migrants au regard, notamment, du droit d’asile et des règles du regroupement familial. Le Royaume-Uni s’engagerait à recevoir les personnes remplissant les conditions de l’accueil. La France ferait de même. Celles à reconduire dans leur pays d’origine pourraient l’être dans le cadre d’un accord européen, d’autant que les problèmes sur le littoral concernent aussi nos voisins belges. Un tel accord n’impliquerait pas nécessairement Frontex, dont la mission est d’empêcher l’entrée illégale dans l’espace Schengen et non la sortie de celui-ci.
    Un budget franco-britannique pourrait financer cette politique commune, suivie régulièrement par une commission mixte associant délégués des gouvernements, parlementaires, élus locaux, voire associations, avec, à sa tête, deux responsables, l’un français et l’autre britannique. Un préfet missionné à cet effet pourrait veiller à la disponibilité et à la bonne direction de moyens suffisants en provenance de plusieurs ministères. Quoique imparfaite, cette solution pourrait permettre d’éviter l’ampleur des drames présents.
    Cyrille Schott, ancien conseiller au cabinet du président François Mitterrand, a occupé huit postes de préfet, de 1987 à 2009, dont celui du Pas-de-Calais, de 2001 à 2004. Il a dirigé l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (2014-2016) et appartient au bureau d’EuroDéfense-France.

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