• Mathieu Fulla, historien : « Reconquérir un électorat hostile à la gauche implique un travail de terrain ardu »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/09/25/mathieu-fulla-historien-reconquerir-un-electorat-hostile-a-la-gauche-impliqu

    A la tête du Parti de #gauche puis de #LFI, Mélenchon s’efforce, jusqu’en 2019, de séduire les « fâchés pas fachos » des milieux populaires, réfugiés dans l’#abstention ou ayant opéré un glissement vers la #droite et, de plus en plus souvent, vers l’#extrême_droite. L’entreprise fait long feu. Elle contribue à expliquer la réorientation stratégique opérée depuis par la direction de LFI vers la « stratégie des tours » et de la jeunesse.

    Ce glissement progressif, dont les effets sont déjà très visibles en 2022, ne peut se comprendre sans garder à l’esprit l’obsession, toute mitterrandienne, de Jean-Luc Mélenchon pour la conquête de la magistrature suprême. Le choix de s’adresser prioritairement à des électorats et à des territoires déjà largement acquis lui semble la voie la plus sûre pour accéder au second tour en 2027 et y affronter le candidat du Rassemblement national (#RN).

    Redynamisation des milieux syndicaux et associatifs

    Les « insoumis » ne sont cependant pas les premiers, à gauche, à envisager de « laisser tomber » une grande partie des #classes_populaires, notamment celles concentrées dans les territoires périurbains, aujourd’hui solides bastions du RN. En 2011, au nom de l’efficacité électorale, une note rédigée par un think tank proche du PS, Terra Nova, recommandait déjà au futur candidat socialiste à l’élection présidentielle non pas d’abandonner les classes populaires, comme cela est trop souvent affirmé, mais plutôt de cibler l’effort militant sur « la France de la diversité », présentée comme la composante la plus dynamique de la gauche. La direction de LFI s’est réapproprié cette grille d’analyse qui suscitait jusqu’à présent un fort embarras dans les milieux de gauche.

    https://justpaste.it/au2h2

    • « La gauche a intérêt à reconnaître la production d’idées, la stratégie électorale et le modèle d’organisation comme indissociables », Pierre-Nicolas Baudot
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/09/25/la-gauche-a-interet-a-reconnaitre-la-production-d-idees-la-strategie-elector

      .... en politique les questions sont souvent plus importantes que les réponses. Or, les travaux de science politique s’accordent pour donner une image guère reluisante des partis, à laquelle la gauche n’échappe pas. Ils inspirent une forte défiance dans l’opinion et sont décrits comme des entre-soi professionnalisés et repliés sur eux-mêmes, où se côtoient élus, collaborateurs d’élus et aspirants à l’élection, selon des normes qui leur sont propres.

      [...]

      C’est un fait que les transformations socio-économiques du XXe siècle, et leurs effets sur le développement de nouvelles formes d’organisation du travail, n’ont pas été porteuses pour la permanence d’une conscience collective favorable à l’ancrage social d’une pensée de gauche. De plus, si ces évolutions ont donné naissance à de nouveaux groupes sociaux dominés, elles ont également suscité des réactions libérales, réactionnaires ou les deux à la fois. Ces constats rendent d’autant plus indissociables les appels au travail doctrinal et le souci d’une refonte organisationnelle destinée à penser les partis depuis la société, et non au-dessus d’elle.

      L’histoire de la gauche démontre que, même au meilleur de sa forme, les mouvements de contestation ou d’émancipation n’ont pas procédé des partis, mais y ont abouti – lui permettant de se placer auprès de groupes sociaux en expansion numérique. La méfiance que suscitent les partis est moins liée à une forme partisane générique, qu’à son état actuel. Si, du fait de leur professionnalisation, le lien entre les partis et l’Etat s’est renforcé, celui avec la société est abîmé. Ce constat impose de repenser la capacité à assurer un lien à double sens entre la société et l’Etat.

      Pour cela, la gauche devra admettre de se poser un certain nombre de questions, parmi lesquelles celle de son rapport à la démocratie sociale, de la place à conférer à un militantisme qui a changé mais qui demeure, d’une organisation qui considère le pluralisme et la délibération collective sans hypothéquer l’unité, de la sociologie de ses représentants ou encore de son inscription dans le monde du #travail. Ce travail suppose de déconstruire la distinction entre idées et structures, pour mieux mesurer leur imbrication et l’indissociabilité du projet politique et de l’organisation collective.

      Pierre-Nicolas Baudot est docteur en science politique. Il est l’auteur d’une thèse sur le Parti socialiste et la politisation de la question des immigrés (1971-2017).

      https://justpaste.it/g0bk9

    • Pour changer le monde, la gauche doit changer de monde, Nicolas Truong (mars 2022)

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/03/04/pour-changer-le-monde-la-gauche-doit-changer-de-monde_6116102_3232.html

      Des électeurs désespérés. Une gauche désespérante. Non pas une défaite, mais une débâcle annoncée. Tel est le sentiment largement partagé au sein du camp progressiste à la veille de l’élection présidentielle. Loin de la Norvège, de l’Allemagne, de l’Espagne ou du Portugal, la #social-démocratie française ne parvient pas à coaliser des forces et à nouer des compromis afin d’exercer durablement le pouvoir. Après de notables percées, notamment lors des « mouvements des places » des années 2010 (d’Occupy Wall Street à Nuit debout), le #populisme de gauche semble s’essouffler. Une forme de socialisme paraît achever un cycle historique avec le déclin du parti issu du congrès d’Epinay (1971).

      Le communisme institutionnel séduit davantage par sa défense de l’industrie nucléaire et de la francité que par ses mesures pour l’égalité. L’écologisme, qui pourrait porter le grand récit émancipateur à l’heure du réchauffement climatique, n’a pas encore de base sociale constituée et peine à intégrer les révolutions de la nouvelle pensée du vivant. Le trotskisme est réduit à une culture minoritaire et presque patrimoniale, ponctuée par quelques apparitions électorales. Sans parler de la mouvance insurrectionnelle, certes indifférente aux élections « pièges à cons », qui se déchire sur le conspirationnisme ou les procès en véritable #anticapitalisme.

      [...]

      « La gauche est un monde défait », estime le politiste Rémi Lefebvre, dans Faut-il désespérer de la gauche ? (Textuel, 160 pages, 15,90 euros). « La gauche est en état de décomposition avancé et doit se détacher de ses atavismes et de ses identités partisanes arrimés au XXe siècle », constate le sociologue Laurent Jeanpierre, coauteur, avec Haud Guéguen, de La Perspective du possible (La Découverte, 336 pages, 22 euros). « Nous vivons sans doute un bouleversement aussi grand que celui de la révolution industrielle, qui a débuté à la fin du XVIIIe siècle », explique l’historienne Marion Fontaine, professeure à Sciences Po. Une modification des façons de travailler et de vivre « qui touche la gauche de plein fouet », poursuit la directrice des Cahiers Jaurès. Ainsi la gauche oscille-t-elle entre abandon et victimisation, glorification et nostalgie, remarque la revue Germinal, dans son numéro consacré à « La politique des classes populaires », que Marion Fontaine a coordonné avec le sociologue Cyril Lemieux (n° 3, novembre 2021).

      https://justpaste.it/3idt9