• [Syrie] Cédric Labrousse

    https://x.com/CdricLabrousse/status/1867877798892745018

    Détail de l’accord très important signé entre le gouvernement de Damas, lié à HTS, et l’AANES et les FDS : les quartiers #kurdes d’Alep (Sheikh Maqsoud et Ashrafiyah) restent sous contrôle des YPG locales. Qui sont autorisées à être ravitaillées et à conserver leurs prérogatives de sécurité.

    Autant dire que le travail de fond entre HTS et AANES / FDS est réel. De quoi humilier et enrager la Turquie. Mais aussi de rappeler, de la part de ces deux forces pourtant opposées, que la Turquie n’a rien à faire en #Syrie et doit partir. Les affaires intérieures de la Syrie sont désormais syriennes.

    Et cet accord va bien plus loin, puisqu’il s’étend à tout le nord-est syrien confirmé comme devant relever de l’AANES. Seule exigence d’HTS : le départ des kurdes non-syriens de la région, notamment ceux qui sont devenus cadres au sein des YPG. Cela sera fort possible.

    Rappelons ainsi que si la plupart des cadres actuels des YPG sont passés par les HPG et le PKK, ils sont... syriens. Et n’ont fait que revenir à partir de 2011. Au premier rang d’entre eux : Mazloum Abdi, commandant en chef des FDS, vétéran lui-même du PKK et des HPG, et syrien de naissance. Le départ des non syriens n’affecterait donc pas du tout la chaîne de commandement des FDS.

    Et, symbolique, chers lecteurs et lectrices, ce dernier, chef des FDS aura eu quasiment une carrière parallèle à celle d’Abu Muhammad al-Julani au sens où ils ont tout les deux fui la Syrie dans les années 2000 pour se rendre, entre autres, en Irak. Et tous les deux sont revenus par la suite...

    • Le même commentateur, ultra libéral, souligne que la désagrégation de l’État irakien suite au retrait américain est une expérience fondatrice pour al-Julani : [pour Charaa] la capacité politico-militaire à défaire à l’ennemi ne vaut rien sans que lui succède d’emblée l’aptitude à gérer un État

      L’espace politique laissé aux forces kurdes pose d’ores et déjà problème à une Turquie que le HDS veut tenir à distance. Ce qu’il ne saurait faire face à Israël, si ce n’est diplomatiquement (?).

      « Les Israéliens ont clairement franchi les lignes d’engagement en Syrie, ce qui menace d’une escalade injustifiée dans la région », a affirmé Ahmed Al-Charaa, anciennement connu sous son nom de guerre, Abou Mohammed Al-Joulani, dans des propos rapportés par la chaîne Telegram de la coalition menée par le groupe sunnite radical Hayat Tahrir Al-Cham (#HTC). Ahmed Al-Charaa a cependant ajouté que « l’état d’épuisement de la Syrie après des années de guerre et de conflits ne permet pas d’entrer dans de nouveaux conflits ».

      https://www.lemonde.fr/international/live/2024/12/14/en-direct-syrie-l-union-europeenne-les-etats-unis-et-plusieurs-pays-arabes-s

      Labrousse note également
      https://x.com/CdricLabrousse/status/1866614776371220917

      Le gouvernement de transition est en place. Il se compose de ministres du Gouvernement de Salut de HTS et de ministres de l’ancien régime du Baath. Premier conseil des ministres avec Muhammad al-Bachir à sa tête.

      Qui exclut l’ancienne Coalition Nationale Syrienne, fondée en 2012. C’est un camouflet pour l’ensemble des forces politiques de tous bords et anciennes (Frères Musulmans, libéraux, parti communiste, nationalistes...) qui se retrouvent totalement écartées de cette transition. Tous dindons de la farce de ce mariage, opportuniste et temporaire, d’HTS et... du Baath.

      Sécurité intérieure (et dans ce cas tolérance pour des minorités et les anciens soutiens des Assad), reconnaissance internationale (avec, à terme, la levée des sanctions américaines), précautions à prendre quant à la vingtaine de groupe djihadistes présents en Syrie, voilà ce qui parait être la liste embryonnaire des tâches que se donne le néo État syrien. Sous surveillance israélienne.

    • Dans la Syrie post-Assad, le défi du pluralisme

      https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2024/12/15/le-defi-du-pluralisme-dans-la-syrie-post-assad_6449499_6116995.html


      Des syriens fêtent la chute du régime de Bachar Al-Assad en brandissant des drapeaux de la Syrie indépendante, aux trois étoiles rouges, à Damas, le 13 décembre 2024. SAMEER AL-DOUMY / AFP

      L’alliance entre les rois de France et les sultans ottomans a traversé les siècles, fondée qu’elle était sur des intérêts stratégiques partagés. François Ier n’a pas craint d’associer la « fille aînée de l’Eglise » au plus puissant empire de l’islam, ne serait-ce que pour s’opposer avec lui aux Habsbourg. Louis XIII a justifié une telle alliance par la « protection » ainsi accordée par Paris aux catholiques d’Orient, à commencer par les maronites du Liban. Ses successeurs sur le trône de France ont repris à leur compte cette prétention, que les régimes successifs du XIXe siècle ont eux aussi assumée à des titres divers. On prête à Léon Gambetta l’adage selon lequel « l’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation », tant la IIIe République, toute laïque soit-elle, a persisté à revendiquer sa mission de protection des chrétiens d’Orient. Et lorsque la France obtint de la Société des nations (SDN) un mandat sur l’ancienne province ottomane de Syrie, elle en retrancha en 1920 un « Grand Liban » taillé sur mesure pour ses « protégés » maronites.

      Les trois étoiles de la Syrie indépendante

      Le « royaume arabe », mis en place à Damas dès la chute, en 1918, de l’Empire ottoman, avait pourtant adopté une constitution respectueuse des libertés publiques et des droits des minorités. Mais l’intervention de l’armée française brisa un tel élan en renversant, en 1920, le royaume de Damas. Non seulement la France institutionnalisa le #confessionnalisme politique au Liban, mais elle s’acharna à diviser la Syrie sur des bases elles aussi confessionnelles, avec l’établissement d’un « Etat des Druzes »_au sud et d’un « Etat des alaouites » sur la côte méditerranéenne.

      Le nationalisme syrien s’opposa farouchement à un tel charcutage, proclamant que « la Syrie est à tous les Syriens et la religion est à Dieu ». L’emblème nationaliste se distinguait par ses trois étoiles rouges, symboles, pour la première, de Damas, pour la deuxième, d’Alep et, pour la troisième, de toute autre ville revendiquant son identité syrienne. Et c’est ce drapeau à trois étoiles rouges qui deviendra, en 1943, celui de la Syrie indépendante. En revanche, la République arabe unie (RAU), qui amalgame la Syrie à l’Egypte de 1958 à 1961, adopte un drapeau à deux étoiles vertes pour ses deux composantes.

      C’est ce drapeau à deux étoiles que hisse le parti Baas, dès sa prise du pouvoir à Damas, en 1963, un drapeau depuis identifié à la dynastie dictatoriale des Assad, avec Hafez Al-Assad, de 1970 à 2000, puis son fils Bachar. Un tel régime prend littéralement en otage les minorités pour mettre en avant leur supposée « protection » face aux revendications démocratiques.

      Le soulèvement initialement pacifique de 2011 oppose, en revanche, l’unité nationale au confessionnalisme de la dictature, brandissant le drapeau historique à trois étoiles comme symbole révolutionnaire. La répression, féroce, mise ouvertement sur les antagonismes communautaires, multipliant les violences et les provocations. La militarisation de l’opposition et son éclatement en factions rivales, avec surenchères salafistes, voire djihadistes, aggrave cette polarisation confessionnelle. La branche syrienne d’Al-Qaida, le front Al-Nosra, se rend coupable de nombreuses exactions, notamment contre des Druzes en 2015. L’année suivante, le groupe rompt avec Al-Qaida, abandonne son drapeau noir, prenant en 2017 le nom d’Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), soit « Instance de Libération de la Syrie »_. Son fief d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, se distingue par une gestion progressivement plus technocratique qu’idéologique, où le drapeau révolutionnaire à trois étoiles s’impose face à l’emblème de HTC.

      Les trois mois de tous les dangers

      L’offensive lancée par HTC et ses alliés, le 27 novembre contre Alep, aboutit, douze jours plus tard, au renversement du régime Assad. Cette campagne fulgurante se clôt sur un bilan de moins d’un millier de morts, dont moins de 150 civils, à comparer à l’effroyable carnage de 2011-2024 et son demi-million de morts. C’est que la dictature s’est effondrée, la plupart du temps sans combattre, des officiers loyalistes n’hésitant pas à pactiser avec les insurgés. En outre, la progression rapide des rebelles a été garantie par des accords passés avec les populations locales, y compris dans des zones chrétiennes et ismaéliennes, voire alaouites. Enfin, c’est du sud qu’a été lancé l’assaut sur la capitale, à partir de Deraa, berceau du soulèvement de 2011, et de Souweïda, cœur du pays druze. La victoire finale doit dès lors tout autant à HTC qu’à des milices d’orientations très diverses, malgré la position dominante aujourd’hui occupée par le chef de #HTC, qui a abandonné son surnom jihadiste d’Abou Mohammed Al-Joulani pour reprendre son état civil d’Ahmed Al-Charaa.

      C’est un pays ravagé par plus d’une décennie de conflit qui doit aujourd’hui panser ses plaies, avant même de se reconstruire. Ce processus sera long et délicat, avec l’enjeu du retour des millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, ainsi que des millions de réfugiés dispersés au Moyen-Orient et au-delà. Pour l’heure, la priorité va au rétablissement de la paix civile et des services publics. Charaa a organisé, le 10 décembre à Damas, la passation des pouvoirs entre le dernier premier ministre de Bachar Al-Assad et le chef de l’administration d’Idlib, Mohammad Al-Bachir. Le nouveau gouvernement aura pour tâche d’expédier les affaires courantes avant le lancement, dans quelques semaines, d’un processus constitutionnel.
      Le défi est immense d’établir un nouveau contrat social entre des Syriens que la guerre a retranchés les uns des autres, poussant des millions d’entre eux à l’exil. L’adoption par l’administration kurde du nord-est du pays du « drapeau de l’indépendance » à trois étoiles, qui flotte désormais sur Damas, est un signe encourageant. Mais la tentation internationale sera très forte de privilégier une « stabilité » illusoire en soutenant un nouvel « homme fort » au détriment de la prise en considération du profond pluralisme de la société syrienne.

      La France, plus d’un siècle après avoir balayé la première expérience constitutionnelle en Syrie, s’est cette fois engagée à accompagner « une transition politique pacifique et respectueuse de la diversité du peuple syrien ».

      Jean-Pierre Filiu

      #histoire

    • Syrie : les dilemmes des islamistes de Hayat Tahrir Al-Cham, désormais au pouvoir à Damas
      https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/16/a-damas-les-dilemmes-du-nouveau-pouvoir_6451460_3210.html

      La formation islamiste doit asseoir son autorité dans la capitale syrienne, très différente de la ville conservatrice à majorité musulmane d’Idlib où elle a réussi à développer une administration civile efficace. Le tout sans s’aliéner les minorités et les capitales occidentales.

      [...]

      Rétablir l’ordre et rebâtir les forces de sécurité est une priorité de la nouvelle administration islamiste. A la chute du régime, le chaos a régné pendant plusieurs jours dans les rues de Damas et les régions reconquises au clan Al-Assad. Diverses factions armées en ont profité pour se déployer dans les rues. Des dépôts d’armes ont été pillés par des jeunes et des gangs de quartier. La formation islamiste a lancé un appel pour que les armes soient restituées. Le 14 décembre, Ahmed Al-Charaa a annoncé que le ministère de la défense allait dissoudre toutes les factions armées, dont HTC, pour fonder une nouvelle armée sur la base de la conscription volontaire, et qu’aucune arme ne serait tolérée hors du contrôle de l’Etat.

      La police est vouée à remplacer les factions armées. Actuellement, dans les rues de Damas, seuls quelque 400 policiers du gouvernement de salut d’Idlib, en chemise violette, sont postés aux carrefours de la ville pour faire la circulation. « Le nombre de policiers dont nous disposons n’est pas suffisant. Nous allons revoir les dossiers de tous les anciens policiers pour voir qui est qualifié, qui n’a pas de passé criminel. C’est un sujet très sensible car les gens ont développé une peur de la police et de l’Etat », insiste le nouveau gouverneur de Damas.

      [...]

      Après avoir annoncé une révision de la Constitution, le chef de HTC [Ahmed Al-Charaa] a promis que des comités, comprenant des experts, seraient formés à cette fin. L’homme s’est déjà déclaré candidat à la présidence pour le scrutin promis d’ici à mars 2025. « Le nouveau pouvoir devra clarifier rapidement sa ligne idéologique. Il y a un vieux fond radical qu’il faudra réprimer, sinon il va s’aliéner les Damascènes, la classe d’affaires et la communauté internationale, en plus des minorités. Il doit être thermidorien, parier sur la majorité silencieuse et faire taire les minorités agissantes les plus radicales », estime Patrick Haenni.

      https://justpaste.it/6k0og

    • Les services français craignent un renouveau de l’Etat islamique en Syrie
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/16/les-services-francais-craignent-un-renouveau-de-l-etat-islamique-en-syrie_64

      La prise de pouvoir à Damas par le groupe armé Hayat Tahrir Al-Cham et son chef Ahmed Al-Charaa bouleverse les rapports de force dans la région, notamment dans la galaxie djihadiste. Opposé au nouvel homme fort de Syrie, l’organisation #Etat_islamique espère reconstituer ses troupes et ses moyens.

      https://justpaste.it/dligg