Quel a été le bilan de ces mesures ? Loin des discours qui ont légitimé, en 2019, l’ouverture de la chasse à l’agribashing, ce phénomène demeure cinq ans plus tard quasi introuvable. Tout en se situant au centre de propositions parlementaires visant à durcir la réponse pénale face aux actions des militants environnementalistes.
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La préfecture de Vendée mentionne deux réunions, en janvier 2020 et en avril 2021, mais leurs comptes rendus ne signalent aucune #atteinte_idéologique. En janvier 2020, 198 délits commis sur des exploitations sont identifiés, dont 140 vols divers, un vol avec violence, 34 cambriolages, 23 actes de destructions. Aucune mention de liens avec l’activisme écologiste ou antispéciste. En avril 2021, le constat n’est guère différent, le seul délit pouvant relever d’une atteinte « idéologique » est une intrusion dans une exploitation porcine, mais le compte rendu de la réunion de l’observatoire ne précise pas les motivations du prévenu. Le dispositif mis en place ne semble pas avoir été d’une grande nécessité puisque ensuite, selon la préfecture de Vendée, « l’instance ne s’est pas réunie de 2022 à 2024 »
De même, la préfecture de Seine-Maritime relève une unique réunion, le 17 janvier 2020, pour lancer l’observatoire. Le compte rendu de celle-ci signale « le phénomène d’attaques militantes antispécistes caractérisées par des intrusions suivies de tags et la diffusion des vidéos prises lors de ces forfaits sur les réseaux sociaux, notamment les élevages de porcs ». « Des incendies sont également à déplorer », est-il par ailleurs mentionné, sans plus de détails. « Les services de renseignement sont particulièrement attentifs à l’émergence de nouveaux groupes tels que L214, ajoute la note. Le sujet de la réglementation récente relative à l’interdiction de l’utilisation de produits phytosanitaires peut également nourrir le climat d’hostilité envers les pratiques des professions agricoles. » Les seuls éléments circonstanciés d’atteintes idéologiques sont, en novembre 2018, « des vidéos tournées lors d’intrusions (…) mises en ligne sur Internet par l’association Direct Action Averywhere [sic] ainsi que le réseau “L214” » et, en octobre 2019, « des tags à caractère antispécistes réalisés sur le mur d’une exploitation agricole à Sommery »..
Le Monde [c’est-à-dire ici Stéphane Foucart, ndc] a contacté les #préfectures ayant fait l’objet de ces demandes d’accès aux documents, afin de recueillir leurs commentaires sur la teneur (ou l’absence) de ces documents relatifs aux observatoires de l’agribashing. Seules celles de Seine-Maritime et d’Ille-et-Vilaine ont répondu à nos sollicitations, le 25 novembre, assurant qu’elles apporteraient ultérieurement des réponses à nos questions, avant de ne plus donner suite. Les autres n’ont pas accusé réception. « A notre connaissance, seule la préfecture de la Vienne a communiqué sur le suivi des délits touchant les exploitations du département, qui compte près de 4 000 irrigants, dit de son côté Antoine Gatet, le président de France Nature Environnement (FNE). La préfecture a compté 133 plaintes en 2022 et 90 en 2023. »
L’opacité sur les chiffres réels de l’agribashing ne se joue pas uniquement à l’échelon départemental. Le Monde a également sollicité la gendarmerie nationale à deux reprises, afin d’obtenir un bilan des actions menées par la cellule Demeter depuis sa création, en 2019 – nombre d’enquêtes, d’interpellations, de condamnations, etc. Aucune suite n’a été donnée à ces demandes.