Monolecte đŸ˜·đŸ€Ź

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • La vie publique d’un livre - AOC media
    ▻https://aoc.media/analyse/2025/02/12/la-vie-publique-dun-livre


    #censure

    AprĂšs un entretien pour un mĂ©dia national, un journaliste auquel j’exprimais mon Ă©tonnement de la teneur nettement critique, voire dĂ©stabilisante, des questions qu’il m’avait posĂ©es dans la mesure oĂč, hors micro, il m’avait dit combien il avait apprĂ©ciĂ© mon livre et le tenait pour important, m’expliqua qu’il l’avait fait par anticipation des remarques nĂ©gatives que sa rĂ©daction aurait, sinon, pu faire sur son travail en le considĂ©rant comme de parti pris.

    Ce double positionnement – soutien affirmĂ© dans l’échange privĂ©, prise de distance dans l’espace public – et la justification qui en m’en Ă©tait donnĂ©e rĂ©vĂšlent la double contrainte Ă  laquelle font face nombre de journalistes lorsqu’il s’agit de traiter de la guerre Ă  Gaza puisque, d’un cĂŽtĂ©, il leur faut respecter la dĂ©ontologie de leur profession, et donc leur conviction de ce qui est juste et fondĂ©, et, de l’autre, il leur faut tenir compte de la police du langage dont certains de leurs collĂšgues surveillent l’application et dont leur hiĂ©rarchie doit se porter garante. À plusieurs reprises, je fis le mĂȘme constat : alors que mon interlocuteur m’avait assurĂ© avec chaleur qu’il avait Ă  cƓur de faire connaĂźtre le livre Ă  son public, lorsque l’entretien paraissait, il Ă©tait accompagnĂ© d’un chapĂŽ parfaitement neutre.

    De mĂȘme que celles et ceux qui prĂ©sentent les journaux d’information doivent, chaque fois que le sujet est abordĂ©, rappeler que l’opĂ©ration militaire israĂ©lienne a Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©e par l’attaque du 7 octobre, sans jamais Ă©voquer les trois-quarts de siĂšcle d’histoire de l’oppression palestinienne qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©e par peur de paraĂźtre la justifier, de mĂȘme celles et ceux qui ont obtenu de leur rĂ©daction, parfois de haute lutte, de pouvoir m’interroger sur mon livre m’ont dit devoir se soumettre Ă  des rĂšgles dans les questions qu’ils posent et s’attendre Ă  de nombreuses rĂ©visions une fois que leur papier serait prĂȘt Ă  ĂȘtre publiĂ©.

    Il leur fallait respecter ce que certains m’ont prĂ©sentĂ© comme une charte prĂ©cisant la maniĂšre de parler du conflit et, bien au-delĂ , prĂ©venir toute critique qui pourrait ĂȘtre exprimĂ©e par des lecteurs ou des auditeurs et relayĂ©e auprĂšs d’organisations communautaires juives, donnant possiblement lieu, de la part de responsables politiques, Ă  des accusations d’antisĂ©mitisme. « Vous avez bien dĂ©crit dans votre ouvrage la façon dont les choses fonctionnent », m’a dit l’un de ces journalistes aprĂšs la publication d’un entretien qui avait Ă©tĂ© retardĂ© de plusieurs jours en raison de multiples corrections qu’on avait exigĂ©es de lui.