La vie publique dâun livre - AOC media
â»https://aoc.media/analyse/2025/02/12/la-vie-publique-dun-livre
#censure
AprĂšs un entretien pour un mĂ©dia national, un journaliste auquel jâexprimais mon Ă©tonnement de la teneur nettement critique, voire dĂ©stabilisante, des questions quâil mâavait posĂ©es dans la mesure oĂč, hors micro, il mâavait dit combien il avait apprĂ©ciĂ© mon livre et le tenait pour important, mâexpliqua quâil lâavait fait par anticipation des remarques nĂ©gatives que sa rĂ©daction aurait, sinon, pu faire sur son travail en le considĂ©rant comme de parti pris.
Ce double positionnement â soutien affirmĂ© dans lâĂ©change privĂ©, prise de distance dans lâespace public â et la justification qui en mâen Ă©tait donnĂ©e rĂ©vĂšlent la double contrainte Ă laquelle font face nombre de journalistes lorsquâil sâagit de traiter de la guerre Ă Gaza puisque, dâun cĂŽtĂ©, il leur faut respecter la dĂ©ontologie de leur profession, et donc leur conviction de ce qui est juste et fondĂ©, et, de lâautre, il leur faut tenir compte de la police du langage dont certains de leurs collĂšgues surveillent lâapplication et dont leur hiĂ©rarchie doit se porter garante. Ă plusieurs reprises, je fis le mĂȘme constat : alors que mon interlocuteur mâavait assurĂ© avec chaleur quâil avait Ă cĆur de faire connaĂźtre le livre Ă son public, lorsque lâentretien paraissait, il Ă©tait accompagnĂ© dâun chapĂŽ parfaitement neutre.
De mĂȘme que celles et ceux qui prĂ©sentent les journaux dâinformation doivent, chaque fois que le sujet est abordĂ©, rappeler que lâopĂ©ration militaire israĂ©lienne a Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©e par lâattaque du 7 octobre, sans jamais Ă©voquer les trois-quarts de siĂšcle dâhistoire de lâoppression palestinienne qui lâont prĂ©cĂ©dĂ©e par peur de paraĂźtre la justifier, de mĂȘme celles et ceux qui ont obtenu de leur rĂ©daction, parfois de haute lutte, de pouvoir mâinterroger sur mon livre mâont dit devoir se soumettre Ă des rĂšgles dans les questions quâils posent et sâattendre Ă de nombreuses rĂ©visions une fois que leur papier serait prĂȘt Ă ĂȘtre publiĂ©.
Il leur fallait respecter ce que certains mâont prĂ©sentĂ© comme une charte prĂ©cisant la maniĂšre de parler du conflit et, bien au-delĂ , prĂ©venir toute critique qui pourrait ĂȘtre exprimĂ©e par des lecteurs ou des auditeurs et relayĂ©e auprĂšs dâorganisations communautaires juives, donnant possiblement lieu, de la part de responsables politiques, Ă des accusations dâantisĂ©mitisme. « Vous avez bien dĂ©crit dans votre ouvrage la façon dont les choses fonctionnent », mâa dit lâun de ces journalistes aprĂšs la publication dâun entretien qui avait Ă©tĂ© retardĂ© de plusieurs jours en raison de multiples corrections quâon avait exigĂ©es de lui.