Affaire de Bétharram : devant la commission d’enquête, le récit des pressions subies par la professeure qui a voulu briser l’omerta
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Dès la « fin 1994 ou début 1995 », elle effectue des signalements : elle écrit à François Bayrou, alors ministre de l’éducation nationale et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, à qui elle dit avoir également parlé de vive voix quelque temps plus tard, elle fait un courrier au tribunal, se rend à la gendarmerie, s’adresse à la direction diocésaine, ainsi qu’au médecin de la protection maternelle et infantile.
« De la torture et de la barbarie »
« Le seul qui m’a répondu, c’est l’évêché », résume Françoise Gullung. Elle est « convoquée » par un responsable de la direction diocésaine qui lui dit « d’oublier tout ça si [elle] veu[t] rester dans l’enseignement catholique ». Parmi ses collègues enseignants, elle décrit le « silence ». Quant au rectorat, elle assure qu’il « ignore complètement » les enseignants du privé, pourtant salariés de l’#éducation_nationale. « On n’a aucun contact avec le rectorat sauf avec un service, celui de l’enseignement privé, une structure complètement close qui fonctionne en roue libre », assène l’ancienne professeure. Dans son récit, elle n’a mentionné aucune alerte aux autorités académiques.
Puis arrive la fin d’année 1995. En guise de punition, un élève est envoyé plusieurs heures sur le perron de l’établissement, dehors, de nuit, en plein hiver. Après le tollé provoqué par le témoignage de l’élève, qui entraînera le dépôt d’une plainte par ses parents, elle raconte la venue de l’ancien directeur de Bétharram, le père Silviet-Carricart – qui sera accusé de viol en 1998 et se suicidera en 2000 : « Il a réuni tous les profs et nous a dit de ne pas parler (…) en nous disant qu’on risquait de faire fermer l’établissement et que s’ils savaient qu’on en parlait, on serait sanctionnés. »
De son côté, elle a « considéré que c’était de la torture et de la barbarie ». Elle donne le numéro 119 pour l’#enfance en danger à ses collégiens et leur recommande de raconter à leur famille ce qu’ils subissent. « Je suis devenue immédiatement persona non grata », poursuit-elle. Le surveillant général, appuyé par le directeur Vincent Landel, la « somme » de demander une mutation, ce qu’elle refuse. Au printemps 1996, dans la cour, elle est victime d’une bousculade, qu’elle identifie alors comme une « agression », impliquant le surveillant général et un groupe d’élèves, qui lui provoque des fractures de la face. « Ensuite, dès que je traversais la cour, j’avais des lazzis, on a abîmé ma voiture, on me téléphonait chez moi avec des menaces », énumère-t-elle.