• L’internationale réactionnaire, ou comment trois familles de pensée se retrouvent dans leur détestation du progressisme
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/29/l-internationale-reactionnaire-ou-comment-trois-familles-de-pensee-se-retrou

    Trois courants idéologiques à la fois contraires et convergents, les ultraconservateurs chrétiens, les nationaux-populistes et les techno-libertariens, sont portés par la victoire de Donald Trump.

    Une charge qui s’étend également sur le terrain des valeurs. Un philosophe comme Diderot (1713-1784), par exemple, serait-il considéré comme woke aujourd’hui ? On attribue à l’encyclopédiste un passage de l’_Histoire des deux Indes (ouvrage collectif dirigé par l’Abbé Raynal et publié en 1780) dans lequel il déplore le « fanatisme » qui consiste à « trouver quelques continents à envahir, quelques îles à ravager, quelques peuples à dépouiller, à subjuguer, à massacrer », et se demandait si « celui qui éteindrait cette fureur » ne mériterait pas d’être « compté parmi les bienfaiteurs du genre humain ». Or, il est probable que « Diderot serait aujourd’hui critiqué pour ses positions anticolonialistes », estime Antoine Lilti, auteur de L’Héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité (EHESS/Gallimard/Seuil, 2019).

    [...]

    Un ordre politique, symbolique et idéologique qu’il faudrait abolir, de la même manière qu’il fallait détruire l’absolutisme au temps de Rousseau et de Voltaire. Un ancien régime qualifié de « cathédrale », notamment par Curtis Yarvin, théoricien du techno-monarchisme. La « cathédrale », c’est le système formé par l’alliance du gouvernement fédéral américain, des universités et des médias démocrates. Et les « lumières sombres » – #Dark_Enlightenment –, théorisées de manière provocatrice par Curtis Yarvin, sont les armes intellectuelles qui permettront de la mettre à bas.

    « Dans leur conception apocalyptique et inégalitaire de l’humanité, le progrès et la démocratie sont considérés comme des dogmes à abattre. A l’inverse, analyse Antoine Lilti, les Lumières ont toujours défendu un idéal d’émancipation des individus fondé sur la diffusion la plus large possible du savoir. » Diderot ne disait-il pas qu’il fallait se hâter de « rendre la philosophie populaire » ?

    [...]

    La Russie pourrait continuer d’étendre son influence sur l’Ukraine et les pays baltes, les Etats-Unis sur le Canada et le Groenland, la Chine sur Taïwan. Autre exemple : « Ce n’est plus l’Empire ottoman que prétend reconstituer Erdogan, mais une politique expansive qui considère que là où il y a des Turcs, c’est la Turquie », analyse Michel Feher.

    Comment résister à cette déferlante ? Tout d’abord en prenant acte que « le prisme de la pensée antitotalitaire, qui oppose la démocratie à la tyrannie, ne fonctionne plus à l’heure où les Etats-Unis peuvent voter avec la Corée du Nord à l’Organisation des Nations unies », constate Michel Feher. Il en va de même pour « le vieil anti-impérialisme, incapable de voir la volonté impériale russe », dit-il.

    Résister consisterait à constituer une « autre internationale », celle des citoyens opprimés par les pouvoirs autoritaires qui inventent, dans les interstices des sociétés, des formes d’autogouvernement, indique Michel Feher. (...) l’Europe pourrait saisir sa chance historique. D’être « un pôle de résistance à l’union des potentats mondiaux », ou bien alors se contenter de devenir « une maison de retraite fortifiée pour épargnants de souche », lance Michel Feher.

    https://archive.ph/Ufb5J

    (trop d’Olivier Roy, pas assez d’Israël, etc.)