• Ah tiens, Lundi matin s’intéresse au Repli un docu de Joseph Paris sorti fin octobre 2024 :

    https://lundi.am/Dechirer-les-images-du-pouvoir

    J’avais vu ce film en salle et l’avais trouvé un peu décevant. La thématique du repli identitaire n’est, au fond, pas réellement traitée. Il s’agit de suivre Yasser Louati qui n’est jamais vraiment présenté. Le film est, quelque part, plus un document de lutte contre l’islamophobie.

    Le passage le plus intéressant et qui m’avait amené à aller voir ce film concerne la grève des OS de 1983. En vrai, cet événement à lui seul mériterait un documentaire.

    En 2016, lors du mouvement contre la loi Travail, je m’étais demandé depuis quand un pouvoir « de gauche » avait dû affronter des grèves d’ampleur. J’avais cherché. Je pensais que les années qui suivaient 1981 avaient été calmes sur ce plan. Or, en réalité, il y a un gros pic autour de 1983.

    Ce sont les grèves « pour la dignité » des OS de l’automobile. Un numéro d’Hommes et migrations évoquait l’année 1983 côté médias et des chercheurs ont travaillé sur ce mouvement. Les archives des JT et un autre film intitulé Haya témoignent de ce moment.

    À l’époque, le gouvernement socialiste discrédite les grévistes en insinuant qu’ils sont manipulés par des religieux. Il remplace l’ancienne lecture de classes par une interprétation basée sur l’identité religieuse supposée des grévistes. Les OS musulmans pratiquants demandent, en effet, à pouvoir bénéficier de salles de prières plutôt que de devoir prier sur les chaînes de montage.

    Mais ce n’est pas le centre des revendications. Les conditions de travail sont désastreuses pour ces ouvriers (cadences, risques, salaires, petits chefs etc.) Les libertés syndicales ne sont pas respectées chez Peugeot et Talbot : syndicats jaunes d’extrême droite. Les OS espèrent simplement que la gauche apportera un changement aussi pour eux. Ils ne seront pas entendus.

    La même année, ce sont les municipales
    partielles de Dreux (Stirbois, FN). Le droit de vote pour les étrangers aux élections locales, de nombreuses fois programmé y compris pour la victoire de la gauche en 1981, n’a jamais été mis en place.

    https://journals.openedition.org/hommesmigrations/3546

    https://shs.cairn.info/revue-geneses-2015-1-page-110?lang=fr

    https://militotheque.org/wiki/Haya_(documentaire)

    #histoire_sociale_contemporaine
    #grève
    #industrie_automobile
    #classe_ouvrière
    #immigration
    #islamophobie

    • Un regard rétrospectif en parallèle
      La Marche pour l’égalité et contre le racisme « n’est pas assez entrée dans l’histoire », Mogniss H. Abdallah, 2014
      https://vacarme.org/article2609.html

      ... politique consistant à scinder la prise de parole des jeunes (français) de celle de leurs pères et mères (toujours perçus comme étrangers) ; à opposer la parole, entendue sinon admise, des jeunes « issus » de l’immigration, à celle des luttes de l’immigration (contre la double peine, pour les régularisations, etc.). Ce qui s’est joué à Talbot, Poissy, en 1982-84, s’est perpétué depuis : il est des luttes que l’on construit comme légitimes, et celles considérées illégitimes. La célébration œcuménique de la Marche a aussi pour effet, sinon pour fonction, de condamner les luttes de l’immigration, et d’encourager le clivage générationnel.

      edit c’est le 1er ministre Pierre Mauroy, social-démocrate bon teint, qui - 10 ans après la grève générale lancé par Mouvement des Travailleurs Arabes en 1972 - a initié ce type de disqualification des ouvriers grévistes arabes.

      Par ailleurs les années 80 sont marquées par la restructuration de diverses branches industrielles entamée dans les années 70 (mines, construction navale, sidérurgie), qui se poursuivent dans le secteur automobile. La grève chez Talbot est l’une de celle qui n’est pas encore enfermée dans une "défense de l’emploi" qui dès les années 70 servit essentiellement, en fonction du rapport de forces à récupérer du salaire malgré le licenciement (avec des "primes de départ" dont le montant variait en fonction de l’ampleur et du degré du rupture des mobilisations, cf Longwy).

      Tiens tiens, une préparation de congrès : Réconcilier le Parti Socialiste avec les classes populaires : un impératif pour éviter la dérive vers l’extrême droite https://www.parti-socialiste.fr/reconcilier_le_parti_socialiste_avec_les_classes_populaires_un_impe

      #racisme #PS

    • Oui ces grèves interviennent dans le contexte où l’on parle des « rodéos » dans les cités aux Minguettes (Vénissieux) par exemple puis de la Marche pour l’égalité et contre le racisme récupérée par le PS. Une série de crimes racistes sont aussi médiatisés. Mais ceci semble séparé du mouvement dans l’automobile. Peut-être que les émeutes dans les banlieues faisaient plus peur aux pouvoirs que les grèves des parents.

      Chez Talbot, les incidents sont violents (ces images sont dans Le repli) :

      https://youtube.com/watch?v=f727toiGcAg

      https://youtube.com/watch?v=8jP50q6ZFjA

      Il y a même un court essai d’autogestion, la mise en place de délégués d’ateliers. Mais avec la robotisation, les OS étaient destinés à être sacrifiés.

      Sur la question de la religion, il y a des notes internes aux usines puis des RG qui rapportent des éléments sur lesquels vont s’appuyer Defferre (Intérieur) puis Mauroy et Auroux (Travail).

      https://shs.cairn.info/revue-geneses-2015-1-page-110?lang=fr

      Le ministre de l’Intérieur Gaston Defferre est le premier à évoquer le rôle d’« intégristes, de chiites » [26] dans les grèves, suivi par le premier ministre Pierre Mauroy qui déclare que « les principales difficultés sont posées par des travailleurs immigrés […] agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises » [27]. Mais c’est surtout Jean Auroux, ministre du Travail, qui multiplie les déclarations à ce sujet en l’espace de quelques jours

      Mais :

      Trente ans après les faits, Jean Auroux reconnaît lui aussi que bien que présente dans les usines, la religion n’a pu jouer qu’un rôle mineur dans les conflits

      Pourtant, en 2017, évoquant la fermeture de l’usine d’Aulnay, Jean-Christophe Lagarde (UDI) ressort ce vieil argument aussitôt démenti par le patronat :

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/yvelines/jean-christophe-lagarde-lie-fermeture-psa-aulnay-omnipr