• Paul Simon, l’aquarelliste du camp de Buchenwald
    https://www.lemonde.fr/histoire/article/2025/04/10/paul-simon-l-aquarelliste-du-camp-de-buchenwald_6593582_4655323.html

    Quatre-vingts ans après la libération du camp de concentration nazi, « Le Monde » retrace le parcours de l’un des rescapés français de cet enfer. Au cours de sa détention, de janvier 1944 à avril 1945, ce résistant d’une trentaine d’années avait réalisé de nombreux dessins publiés ici pour la première fois.


    « Attaque d’un bidon de soupe » (1945), aquarelle de Paul Simon. Annotée et signée au dos par l’auteur : « L’attaque des bidons de soupe dans le petit camp. Des “musulmans” se traînent ou observent près du Block 60. Propriété de Paul Simon, ex-KLB42390. » MUSÉE DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION DE BESANÇON

    [...]

    Ce silence des pères déportés, François Simon, né trois ans après la fin de la guerre, l’a subi tout au long de sa vie. Une seule fois, son père a commencé à raconter les horreurs subies à Buchenwald : « J’avais 7 ou 8 ans. L’entendre décrire la vie au camp m’a fait pleurer. Alors, ma mère lui a ordonné d’arrêter. Et il n’en a plus jamais parlé », poursuit le médecin retraité installé dans le Gard. Le regret de ce récit interrompu le taraude encore.

    https://archive.ph/yCWnC

    • Lettre de Paul Simon à son épouse Louise à la libération de Buchenwald : « Vous ne nous croirez pas car c’est trop terrible »
      https://www.lemonde.fr/histoire/article/2025/04/10/lettre-de-paul-simon-a-son-epouse-louise-a-la-liberation-de-buchenwald-vous-

      « Le Monde » reproduit le premier courrier libre et sans censure écrit par un des prisonniers du camp de concentration nazi au lendemain de la libération du camp de concentration, le 11 avril 1945.



      Première page de la lettre écrite par Paul Simon à sa femme, Louise, le 12 avril 1945, depuis le camp de Buchenwald. MUSÉE DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION DE BESANÇON

      « Buchenwald, le 12.4.45

      Ma Chouquette tant aimée,

      Enfin, ce cauchemar de faim et de mort est terminé. Je n’ose y croire encore. Le combat fut court et s’est bien passé, les SS s’étant sauvés. Il était plus que temps que tout ceci finisse car le pourcentage des morts, en ce qui concerne les convois de janvier 1944, se monte au moins à 60 % ! ! Tu ne peux t’imaginer ce que nous avons vu dans cet enfer ; je ne pouvais naturellement pas le faire savoir dans mes lettres précédentes, tu devines bien pourquoi. La corde se tendait facilement ici tu sais ! Je n’ai pour l’instant devant les yeux que le spectacle de la mort, partout où que l’on se tourne ce ne sont que cadavres, pense donc que dans le mois de février nous en avons eu 5 200 et encore plus en mars. Combien d’amis ne verront plus la France ! Combien sont morts dans mes bras !

      J’aurais pu moi-même ne plus te revoir, heureusement que de bons amis de mon organisation se trouvaient là. Je t’ai prévenue par ma dernière lettre que le 14 août 1944 il m’avait été créé un pneumothorax côté gauche, il a réussi à peu près : il faudra couper les adhérences au sommet. Tout cela ne sera rien. Je suis resté six mois et demi à l’hôpital où j’étais comme un coq en pâte en rapport avec les camarades restés aux blocks. Le bombardement de l’usine du camp le 24 août fit environ 400 morts parmi les prisonniers, ce qui était relativement nul si on compare les effectifs ! Plus tard, au bombardement de l’usine de Weimar [près du camp de Buchenwald] nous avons perdu de nouveaux camarades, la liste est longue hélas, je te l’ai déjà dit.

      Et enfin nous sommes libres ! Libres !

      Quand pourrai-je t’embrasser, je l’ignore mais avant un mois je crois. Je pourrai faire connaissance avec mon filleul Georges ! Car j’oubliais de te dire que j’ai reçu la lettre du 31 décembre. Devine un peu le beau jour ? Oui, le 11 mars ! Ma joie était grande ce jour-là, tu sais, car je me faisais des soucis pour vous tous n’ayant rien reçu de toi depuis le mois d’août. Tout s’est donc bien passé à Paris et au Bourget lors de l’invasion des Alliés, je préfère cela. Quel plaisir de pouvoir embrasser maman, Georgette, Mado, et toutes et tous et surtout toi ma Chouquette si brave, si confiante et si courageuse ! Nous ne sommes près ni l’un ni l’autre d’oublier ces moments. Je revois encore ton pauvre visage, tout pâle, lorsque j’ai quitté la maison en cette nuit du 28 au 29 août 1943 ! Et depuis cette date, combien de fois ai-je revu cette scène ? Des milliers de fois sans doute. Et ce Buchenwald, ce cimetière maudit où je n’avais plus de photographie, aucune chose personnelle pas même l’alliance ! Rien. Même plus de cheveux ou de poils, rasé des pieds à la tête ! Mes cheveux ont été tondus, archi-tondus et ont maintenant 2-3 mm de long, tu ne me trouveras pas bien beau. Oh ! le Minet, le pauvre petit Minet tondu, cabossé, efflanqué et tout et tout. Il reste tout de même des poils, c’est peu mais cela vaut mieux que d’être passé par le four crématoire.

      Fini les trois quarts de litre de soupe de rutabagas et le 1/6e de la boule de pain pour la journée ! Fini tout ça. Morte l’Allemagne. Morts les SS. Ah ! cette vermine !

      Dans quelques jours peut-être serai-je en route ; je ne peux pas rester longtemps en observation ou à l’hôpital si je rentre avec les malades, pour l’instant je suis classé avec les invalides. J’oubliais de te dire que je n’ai plus un vêtement, pas de pardessus, plus de chaussures si ce n’est que la droite (de montagne). Il se peut tout de même qu’une chaussure orthopédique me reste en magasin. Pendant deux mois et demi j’ai été obligé de marcher dans la neige avec une simple planche de bois en guise de soulier et sans chaussette. Ah, ces détails mais vous ne nous croirez pas, c’est sûr car c’est trop terrible ! Bref, je te laisse pour peu de temps et te serre comme tu t’en doutes dans mes bras.
      (…)
      Un seul mais bon baiser.

      Ton Minet »