« Une découverte vraiment unique » : la consommation de drogues a-t-elle protégé certains rescapés du 7-Octobre des traumatismes ? - Le Parisien
▻https://www.leparisien.fr/societe/sante/une-decouverte-vraiment-unique-la-consommation-de-drogues-a-t-elle-proteg
« C’est une découverte vraiment unique, juge Roee Admon. Elle n’a jamais été signalée auparavant, car elle n’a jamais été étudiée auparavant. » Le chercheur de l’université d’Haïfa, en Israël, est à l’origine de l’étude qui a suivi quelque 657 survivants des attaques du 7-Octobre au festival Nova. Parmi les rescapés, certains avaient consommé des substances psychotropes, offrant la possibilité d’étudier leurs effets sur les traumatismes.
L’étude suggère que les personnes sous l’influence de la MDMA - principe actif de l’ecstasy - présentaient « des résultats intermédiaires significativement meilleurs que celles ayant consommé d’autres substances ou aucune substance du tout ». Plus précisément, les personnes ont plus d’interactions sociales et une meilleure qualité de sommeil juste après le traumatisme, entraînant des niveaux réduits de détresse psychologique et des symptômes de stress post-traumatique (TSPT) moins graves.
Une légère protection psychologique
« Nous ne savons rien sur la réponse au traumatisme lorsque les gens, pendant l’attaque ou l’événement traumatique, sont sous l’influence de substances spécifiques comme le cannabis, l’alcool et les psychédéliques comme le LSD et la MDMA », détaille Roee Admon.
A priori, « j’aurais l’impression que si quelque chose comme ça m’arrivait, je voudrais autant que possible être maître de moi, préservé de toute influence externe ou de substances », ajoute-t-il. « Mais ce n’est pas ce que nous avons constaté, et c’est ce qui nous a beaucoup surpris. »
Si la MDMA, dont la consommation est illégale en Israël, pourrait avoir apporté une légère protection psychologique, le niveau global de TSPT parmi les survivants de Nova reste extrêmement élevé, insiste toutefois le chercheur. De plus, note-t-il, l’étude, récemment acceptée pour publication par le World Psychiatry journal, est teintée par un « biais de survie », aucun enseignement ne pouvant être tiré de ceux qui ont péri.
« Je n’avais pas vraiment peur pour moi-même »
Rencontré par l’AFP au mémorial dressé sur le site du festival à Réïm, dans le sud d’Israël, Shye Klein-Weinstein confie toujours lutter avec le traumatisme et suivre une thérapie. La MDMA pourrait toutefois avoir quelque peu atténué ses symptômes, dit-il, tout en se gardant bien de suggérer que cette substance puisse l’avoir « sauvé ou protégé ».
« Je ne connais personne qui aurait survécu parce qu’il avait pris de la MDMA », souligne-t-il. « Nous étions tous aussi vulnérables les uns que les autres, tous dans la même situation ». Mais, ajoute-t-il, l’ecstasy est connue comme « la drogue de l’amour. Ça donne juste envie de prendre ses amis dans ses bras, de rire et de sourire ». « Quand tout cela s’est produit, j’ai remarqué que je n’avais pas vraiment peur pour moi-même », se souvient-il.
« Ma seule inquiétude, c’était de ne pas pouvoir aider mes amis ou qu’il leur arrive quelque chose et que je sois totalement inutile, incapable de faire quoi que ce soit. C’était un sentiment horrible de ne pas maîtriser la situation ».
Psychologue spécialisée dans les traumatismes et responsable de la division Résilience de l’organisation de secouristes Zaka, Vered Atzmon-Meshulam dit ne pas être surprise des résultats intermédiaires de l’étude. « Cette recherche est très importante pour continuer à développer des réponses adaptées aux traumatismes extrêmes », explique-t-elle.
« Nous devons passer à l’étape suivante, qui inclut des traitements utilisant des psychédéliques pour guérir réellement et à grande échelle. Pas seulement pour les personnes qui étaient à Nova, mais pour toutes celles qui souffrent de stress post-traumatique », ajoute-t-elle. En 2023, l’Australie est devenue le premier pays à légaliser la MDMA pour traiter le TSPT.