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  • Donald Trump ouvre la voie au transfert de citoyens américains « criminels » dans des prisons au Salvador
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    Donald Trump ouvre la voie au transfert de citoyens américains « criminels » dans des prisons au Salvador
    Par Ivanne Trippenbach (Washington, envoyée spéciale)
    L’accueil dans le bureau Ovale était des plus chaleureux. Le président du Salvador, Nayib Bukele, vêtu de noir et sans cravate, a bénéficié d’un entretien plein d’attentions avec Donald Trump, lundi 14 avril. Le président des Etats-Unis n’a cessé de complimenter le dirigeant salvadorien, qui se revendique « le dictateur le plus cool du monde ». « Il fait un travail fantastique », a répété l’Américain, avant la visite de cet homologue qui a accueilli dans une mégaprison salvadorienne les Vénézuéliens expulsés mi-mars des Etats-Unis.
    Amical et enthousiaste, l’échange était aux antipodes de la rencontre brutale avec Volodymyr Zelensky, au même endroit, le 28 février. Soulignant lui-même le contraste, Trump a critiqué le président ukrainien en son absence, en reprenant la vision du Kremlin : « Quand tu commences une guerre, tu dois être capable de la gagner. Tu ne commences pas une guerre contre quelqu’un vingt fois plus grand en espérant qu’on va te livrer des missiles. »
    A l’égard du Salvadorien, le président américain a insisté sur sa « formidable relation » : « Je le soutiens ». Au cœur des sujets abordés se trouvait l’avenir de Kilmar Garcia, Salvadorien de 29 ans, habitant du Maryland marié à une Américaine, arrêté le 12 mars et expulsé à tort des Etats-Unis. Il est depuis détenu au Salvador sans preuve d’appartenance à un clan criminel. Il faisait partie des 260 individus expulsés des Etats-Unis, la plupart pour leur appartenance présumée au gang vénézuélien Tren de Aragua, déclaré organisation « terroriste ».
    Des documents judiciaires ont révélé que l’administration Trump s’était parfois appuyée sur des indices fragiles, comme des tatouages ou des vêtements associés aux gangs, pour les qualifier de « criminels ». Environ 90 % des expulsés n’étaient accusés d’aucun crime ou délit aux Etats-Unis.
    A propos de Kilmar Garcia, l’équipe Trump a admis devant la justice « une erreur administrative », son séjour aux Etats-Unis étant régulier. Vendredi, la Cour suprême a pressé l’administration Trump de « faciliter » son retour. Dans l’Air Force One, Donald Trump avait estimé qu’il fallait se plier à la décision de la plus haute juridiction du pays. Mais lundi, autour du président, les membres de son gouvernement ont livré, dans un travail d’équipe huilé, un discours opposé : pas question de ramener Kilmar Garcia. « Aucun tribunal des Etats-Unis n’a le droit de conduire la politique étrangère, c’est simple, fin de l’histoire », a déclaré le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, assis dans le canapé. « Cela relève du Salvador de le renvoyer ici, pas de nous », a interprété Pam Bondi, la ministre de la justice.
    Les regards se sont logiquement tournés vers Nayib Bukele qui, en quelques mots, a scellé le sort de Kilmar Garcia. « Comment puis-je faire entrer clandestinement un terroriste aux Etats-Unis ? Evidemment, je ne vais pas le faire. Je ne vais pas le libérer », a répondu le président du Salvador en souriant. A sa gauche, Trump acquiesçait de la tête, d’un air satisfait. « Les gens comme CNN veulent des terroristes étrangers qui kidnappent les femmes et les enfants », a commenté Stephen Miller, adjoint au chef de cabinet et idéologue du trumpisme sur l’immigration.
    Interrogé sur l’éventualité, qu’il a plusieurs fois évoquée, de déporter des criminels américains au Salvador, Donald Trump a répondu : « J’aimerais aller plus loin (…) J’aimerais les inclure dans le groupe de personnes à expulser du pays. » Quelques instants plus tard, il réitère : « Oui, ça les inclut. Je suis totalement pour ». Et il précise que ces Américains ne sont pas « une catégorie spéciale de personnes » protégée par le droit américain dans les cas où « ils sont criminels », même non terroristes, citant l’exemple de violeurs ou d’agresseurs.
    « Pour libérer 350 millions d’Américains, vous devez en emprisonner quelques-uns », a lancé le président du Salvador, lundi. Nayib Bukele a fait de l’emprisonnement de masse la clé de voûte de sa politique. Après une flambée de violences liée aux gangs, il a imposé un état d’urgence pour arrêter et détenir sans procès 85 000 Salvadoriens.
    Nombre d’entre eux ont disparu, sans que leur famille sache s’ils sont encore en vie. « Les Etats-Unis devraient demander des comptes au gouvernement Bukele pour ces graves violations, mais au lieu de cela, l’administration Trump copie sa stratégie autoritaire », a dénoncé Amanda Strayer, avocate de l’organisation Human Rights First.
    Trois jours plus tôt, le site Politico avait révélé un vaste projet élaboré par Erik Prince, ancien PDG de la société militaire privée Blackwater impliquée dans un massacre en Irak, que l’administration Trump étudie : il s’agit de faciliter le transfert de « 100 000 des pires délinquants » vers le Salvador, en partenariat avec les autorités salvadoriennes. Ce plan envisage de placer une partie de cette mégaprison sous souveraineté américaine, grâce à un « traité de cession » qui en ferait un morceau de territoire des Etats-Unis.
    Une manière de faciliter le transfert des détenus qui « ne constituerait ni une extradition, ni une expulsion ». Le dispositif confierait la logistique de ces transferts à l’entreprise d’Erik Prince, avec un financement très lucratif à la clé. L’administration Trump a déjà conclu un accord d’un an avec le Salvador pour l’incarcération des membres présumés de gangs, moyennant 6 millions de dollars (5,3 millions d’euros).
    Au cours du week-end, la Maison Blanche a annoncé l’expulsion de dix autres personnes au Salvador, signe de l’alliance Trump-Bukele, vantée comme « un exemple de sécurité et de prospérité dans notre hémisphère ». Avant la conférence de presse lundi, dans un moment de complicité entre les deux chefs d’Etat capté par le live de la délégation salvadorienne, Donald Trump a glissé que « les “homegrowns” (ce qui peut désigner à la fois les étrangers ayant grandi aux Etats-Unis ou les citoyens américains) seront les prochains. Vous allez devoir construire cinq nouvelles prisons. » « Oui, on a la place », lui a répondu Bukele dans un éclat de rire.

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