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  • « Les entreprises de #capture du #CO₂ dans l’air émettent plus de #carbone qu’elles n’en éliminent »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/21/les-entreprises-de-capture-du-co-dans-l-air-emettent-plus-de-carbone-qu-elle

    En 2017, #Zurich devint le lieu de rendez-vous de la jet-set climatique. Journalistes, activistes et investisseurs s’y pressèrent, non pour admirer les rives paisibles du lac ou les demeures cossues de la ville, mais pour contempler les énormes ventilateurs installés par la start-up Climeworks sur le toit d’un incinérateur à ordures. Même Greta Thunberg fit le déplacement. A l’époque, l’entreprise se présentait comme la vitrine technologique de la capture du carbone. Ses fondateurs, Christoph Gebald et Jan Wurzbacher, accueillaient les visiteurs, leur présentant un dispositif où de puissants ventilateurs aspiraient l’air ambiant pour le faire passer à travers une substance absorbante à la composition tenue secrète, chargée de piéger le CO₂.

    Le #gaz ainsi capturé était ensuite redirigé vers une serre où l’on cultivait des concombres. Les deux ingénieurs affirmaient pouvoir capter et stocker 1 % des émissions mondiales en 2025, soit environ 400 millions de tonnes de CO₂ par an. L’annonce fit sensation. Les articles fleurirent, les capitaux affluèrent. En 2021, Climeworks inaugura une installation de plus grande envergure en Islande, alimentée par la géothermie. Cette fois, le CO₂ n’était plus utilisé pour faire pousser des légumes, mais injecté dans le sous-sol pour y être minéralisé, générant ainsi des « émissions négatives ». En 2022, la start-up atteignait une valorisation supérieure à 1 milliard de dollars (environ 890 millions d’euros).

    Un quart de l’énergie mondiale
    Le filon ouvert par Climeworks a été suivi par de nombreuses autres start-ups – Carbon Engineering, Global Thermostat, Rewind, Terraformation, Living Carbon, Charm Industrial, Brilliant Planet, Planetary Technologies, Infinitree… pour n’en citer que quelques-unes. Elles sont aujourd’hui plus de 150, affublées de noms bien grandiloquents pour des entreprises qui émettent plus de carbone qu’elles n’en éliminent.

    A cette liste s’ajoutent les entreprises spécialisées dans la « certification » des émissions négatives – Puro. earth, Agoro Carbon Alliance, Riverse – dont le rôle est de valider des crédits carbone aussi douteux que les procédés qui les sous-tendent. En France, on peut citer la récente Association française pour les émissions négatives, financée par la Quadrature Climate Foundation, elle-même financée par les entreprises pétrolières.

    Le problème des émissions négatives relève de la thermodynamique. Ce constat est loin d’être nouveau. Dès 2015, une étude publiée dans Nature rappelait que la capture du CO₂ directement dans l’air, pour passer à plus grande échelle, devrait consommer des quantités colossales d’énergie – plus du quart de l’énergie mondiale – à une seule tâche : aspirer le carbone de l’atmosphère. En 2019, l’analyse du cycle de vie d’une centrale à charbon américaine équipée de dispositifs de capture montrait que ceux-ci ne permettaient d’éliminer que 10,8 % des émissions. Au prix d’une pollution importante liée à l’utilisation de solvants pour capturer le CO₂.

    Questions fondamentales
    #Climeworks se heurte aux mêmes difficultés. En 2024, loin de capter 1 % des émissions mondiales, l’entreprise n’a réussi à extraire que 105 tonnes de CO₂ de l’atmosphère. Sur son site Internet, l’entreprise reconnaît qu’elle ne parvient même pas à compenser ses propres émissions – estimées à 1 700 tonnes de CO₂ par an, sans compter les voyages de presse. Au lieu des 400 millions de tonnes d’émissions négatives, Climeworks annonce maintenant vouloir devenir la première entreprise d’émissions négatives à devenir #neutre_en_carbone avant 2030…

    L’échec de Climeworks pose une série de questions fondamentales. La première concerne la crédibilité des trajectoires de neutralité carbone qui reposent trop souvent sur des techniques inexistantes. La deuxième concerne les finances publiques : est-il légitime de subventionner des start-up dont les promesses sont systématiquement démenties par les faits ? La troisième question est judiciaire. Climeworks a déjà vendu, par anticipation, des crédits carbone équivalant à plusieurs dizaines de milliers de tonnes à des dizaines d’entreprises, dont Microsoft, J.P. Morgan, Swiss Re, TikTok, British Airways, ainsi qu’à 21 000 particuliers désireux de compenser leur empreinte carbone. Beaucoup pourraient se considérer floués, et envisager des recours. Le business des émissions négatives commence à ressembler à une pyramide de Ponzi – avec le climat pour victime.

    #Jean-Baptiste_Fressoz (Historien, chercheur au CNRS)