Meublés Airbnb : quand ubérisation du ménage et main-d’œuvre vulnérable font tourner la machine
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Une femme de ménage travaille dans un appartement en location Airbnb, à Paris, en septembre 2018. THIBAULT CAMUS/APC’est une recommandation qu’Airbnb formule sur son site Internet, à destination de sa communauté de loueurs de meublés touristiques. Sous la tête de chapitre « Tout ce que vous devez savoir sur les frais de ménage », afin de « garder un prix compétitif », la plateforme préconise : « Négociez avec la personne chargée du ménage. Envisagez de lui demander si elle peut accepter un tarif plus bas en échange de prestations plus régulières. »
Le #nettoyage, rouage crucial dans l’activité des meublés de tourisme pour assurer une occupation à flux tendu, constitue, en effet, une dépense que les propriétaires, les plateformes et les grandes conciergeries – spécialisées dans la gestion de la location, de l’annonce au dépôt des clés – cherchent à réduire au maximum, pour préserver leurs marges. Derrière les portes closes des meublés touristiques, la massification des Airbnb et la rentabilité attendue de ce type de locations entraînent des cadences et des conditions de travail difficiles.
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En 2022, VIP Services, une société de nettoyage d’appartements loués sur Airbnb, recrutant des Ukrainiennes en situation irrégulière (avant que l’UE ne leur offre une protection valant autorisation de séjour et droit de travailler), a été condamnée en première instance par le tribunal de Paris pour « traite d’êtres humains aggravée ». Un cas extrême. Le jugement de l’affaire éclaire toutefois sur un système de sous-traitance en cascade : des propriétaires de meublés de tourisme confient leurs biens à une conciergerie de premier plan, HostnFly, elle-même donneuse d’ordres auprès de cette société de nettoyage, VIP Services, recrutant à bas coût des femmes de ménage.
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Comme HostnFly, les grandes conciergeries recourent à des applications sur smartphone pour piloter et contrôler le personnel de nettoyage. Nicole Teke-Laurent, doctorante en sociologie du travail à l’IDHE.S-Nanterre, a suivi pour sa thèse une femme de ménage travaillant pour plusieurs locations Airbnb, « équipée d’un diable pour transporter son énorme sac de draps » dans les rues de Paris. « Pour un petit studio, elle devait envoyer à la conciergerie une vingtaine de photos très détaillées retraçant toutes ses tâches : l’évier, le lavabo, la cuvette des toilettes etc., témoigne la sociologue. Un contrôle numérique renforcé par la notation des femmes de ménage, à la fois par les clients des Airbnb et par les propriétaires des appartements, qui postent des avis sur les conciergeries. Cette logique de contrôle constitue une forme de pénibilité supplémentaire. »
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