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    « Si on n’était pas là, les exilés seraient dans les rues » : à la frontière franco-italienne, les refuges débordés par un nouvel afflux de migrants
    Par Louis Chahuneau Publié le : 12/06/2025
    À Oulx, en Italie, comme à Briançon, côté français, les refuges qui accueillent les migrants de part et d’autre des Alpes ont enregistré une forte hausse des arrivées au mois de mai, principalement des Érythréens et Éthiopiens. La préfecture des Hautes-Alpes confirme elle aussi cette augmentation. Les associations qui gèrent les lieux d’accueil dans la région redoutent une saturation cet été.
    L’été s’annonce chargé du côté de la frontière franco-italienne des Hautes-Alpes. D’Oulx, ville frontalière italienne, à Briançon, côté français, les refuges pour migrants ont observé une forte hausse du nombre de passages au mois de mai, là où les pics sont traditionnellement attendus plus tard dans l’été. Quelque 1 687 passages ont été recensés par le refuge Fraternita Massi d’Oulx au mois de mai, contre 369 en 2024 soit une augmentation de 357 % sur un an. En 2023, le refuge avait enregistré 876 arrivées à la même période.
    "Le nombre de passages a augmenté à partir d’avril jusqu’à devenir énorme au mois de mai, lors duquel on a accueilli jusqu’à 130 nouveaux migrants en une journée, contre une trentaine d’habitude. Depuis une semaine, on observe une décrue, mais on sait bien que ces fluctuations dépendent des débarquements à Lampedusa, explique Silvia Massara, bénévole au refuge Fraternita Massi, contactée par la rédaction. Fin avril, l’agence de gardes-côtes européenne Frontex avait en effet enregistré une forte hausse des débarquements sur l’île italienne due à de bonnes conditions météorologiques pour traverser la Méditerranée centrale.
    1 000 interpellations au mois de mai 2025, contre 291 en mai 2024
    Contactée par InfoMigrants, la préfecture des Hautes-Alpes confirme elle aussi une hausse importante des passages de la frontière franco-italienne sur le mois de mai : « 1004 ESI [étrangers en situation irrégulière, ndlr] dont 425 majeurs et 579 MNA ont été interpellés » à la frontière, contre 291, l’année dernière à la même période.
    De manière plus large, les autorités affirment que depuis le début de l’année, 1437 majeurs et 1197 « individus se déclarant mineurs non accompagnés (MNA) » ont été interpellés à la frontière soit, au total, 2 634 interceptions. À Briançon, première ville française après le franchissement de la montagne, les Terrasses solidaires se disent elles aussi débordées depuis plusieurs semaines : « On a accueilli deux fois plus de personnes au premier trimestre 2025 qu’à la même période l’année dernière », détaille Émile Rabreau, chargé de communication à l’association Refuges Solidaires qui gère l’accueil des exilés. Parmi les nouveaux arrivants du mois de mai, 82 % sont des Érythréens et des Éthiopiens, et 33 % sont des mineurs non accompagnés, selon les statistiques du refuge d’Oulx consultées par InfoMigrants. « On accueille beaucoup de femmes et d’enfants par rapport aux mois précédents, et beaucoup de mineurs non accompagnés, parfois jusqu’à 30 par jour », constate Silvia Massara.
    Pour faire face à cet afflux, le refuge, qui peut accueillir jusqu’à 80 migrants pour quelques nuits, a dû disposer des matelas à même le sol, tandis que les Terrasses solidaires ont installé des tentes humanitaires sur leur toit. Mais ce n’est pas le seul problème : « Comme ils arrivent en tongs, notre principale préoccupation est de leur trouver des chaussures », ajoute la bénévole.
    Le plus fréquemment, ces migrants arrivent de Libye jusqu’à l’île de Lampedusa avant de remonter l’Italie jusqu’aux Alpes. Une fois arrivés à Oulx, ils tentent de traverser les montagnes à pied, en passant par le col de Montgenèvre, situé à 1 850 mètres de hauteur, ou plus rarement celui de l’Échelle. « Ce sont des profils particulièrement marqués psychologiquement, quand ce ne sont pas des personnes blessées physiquement, qui plus est après une traversée en haute montagne », explique Émile Rabreau de Refuges Solidaires.
    Face à la militarisation de la frontière et à la multiplication des forces de l’ordre constatées ces dernières années, les exilés prennent de plus en plus de risque : « Les migrants réussissent à passer d’une manière ou d’une autre, mais la crainte des jeunes de croiser les militaires les amènent à traverser la montagne par des endroits périlleux. On a des jeunes qui ont mis jusqu’à 12 heures pour atteindre Briançon », rapporte Silvia Massara. Ces dernières années, plusieurs migrants ont d’ailleurs trouvé la mort en tentant de passer la chaîne montagneuse, comme la Nigériane Blessing Matthew en 2018, dont les circonstances du décès demeurent floues.
    L’hiver, les températures glaciales, le brouillard et le sol glacé rendent la traversée très dangereuse, mais des accidents peuvent aussi intervenir en plein été. En août 2023, un corps de migrant avec des écorchures au niveau des genoux avait été découvert sur la route militaire des Gondrans, entre Briançon et Montgenèvre.
    C’est justement pour éviter ce genre d’incidents que les associations d’aide aux migrants tentent de faire de la prévention des risques, au lieu d’encourager le passage de la frontière. « L’enjeu pour nous est de savoir qu’on peut les accueillir dignement, leur fournir une alimentation saine, un accès aux soins, et une mise à l’abri, même si c’est normalement le devoir de l’État », explique Émile Rabreau.
    Mais à Briançon comme à Oulx, les refuges sont confrontés depuis quelques mois à des pertes de financements qui compliquent encore plus la situation. « On a traversé l’année 2024 en grande difficulté, et ça s’est aggravé depuis. Les frais continuent, et les aides n’arrivent pas. Depuis que la mairie d’Oulx est passée à droite, elle met un point d’honneur à fermer notre refuge », souligne Silivia Massara. Le refuge soutenu par le curé de Bussolin, Don Luigi Chiampo, survit grâce aux financements de la ville de Bardonnèche, de la région et des dons privés.
    À Briançon, la donne n’est pas tellement différente. « Depuis deux mois, l’association est victime d’une grave crise de financement. Les fondations dont on dépend ont subi des coupes budgétaires. On se demande comment on va continuer à travailler dans de bonnes conditions », s’inquiète Émile Rabreau. Refuges Solidaires a divisé par deux le nombre de ses salariés et compte sur la solidarité des bénévoles (plus de 600 en 2024) et la générosité de la population pour palier le manque d’argent. Et Émile Rabreau de conculre : « Si on n’était pas là, les exilés seraient dans les rues ».

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