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  • Comment les réponses générées par #IA menacent les fondamentaux du #Web
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2025/07/06/comment-les-reponses-generees-par-ia-menacent-les-fondamentaux-du-web_661918

    « Tu vas encore sur #Google, toi ? » Bim, vous voilà relégué au rang de cyberboomer. Votre tort : ne pas utiliser #ChatGPT, #Perplexity, Claude, ou autre agent conversationnel pour vos recherches en ligne. La remarque, un brin condescendante, est révélatrice d’une tendance – plus probablement d’une révolution –, avec des conséquences vertigineuses pour l’avenir du Web. Prenez les arguments de Perplexity : ce moteur de recherche américain par IA vante, sur son site, sa capacité à offrir « des réponses complètes qui synthétisent les informations issues de multiples sources », en « éliminant le besoin de naviguer sur de nombreuses pages Web pour trouver ce que vous cherchez ». Or, si les internautes ne voient plus l’intérêt de naviguer sur le Web… que va-t-il devenir ?

    Inventé par Tim Berners-Lee en 1989, le #World_Wide_Web consiste à relier des documents entre eux sur Internet, grâce à des liens hypertextes. En quelques années, il est devenu une immense toile de millions de pages connectées les unes aux autres, et a fait d’Internet un outil grand public. Jean-François Groff fait partie de l’équipe qui a posé les premières pierres du Web aux côtés de Tim Berners-Lee. « Je me souviens de l’émerveillement que j’ai ressenti en 1995 à l’arrivée d’AltaVista, l’un des premiers moteurs de recherche. J’ai eu la même réaction quand, quatre ans plus tard, Google est arrivé, car il était bien meilleur. Aujourd’hui, il se passe la même chose avec la recherche assistée par IA. »

    Désormais, c’est ce qu’il utilise « pour les questions de tous les jours » : « Au lieu de passer trente minutes à cliquer sur des liens, creuser à gauche et à droite pour me faire ma propre synthèse, je prends celle que l’IA a prédigérée pour moi. Si ce n’est pas suffisant, j’affine la question. Et je suis très satisfait des résultats. » Ces systèmes répondent à des questions formulées « naturellement », parfois complexes ou très personnalisées, tout en citant leurs sources.

    Demain, qu’ils le veuillent ou non, tous les utilisateurs de Google franchiront le pas. Le géant américain, qui ne veut pas subir le même sort qu’AltaVista, a déjà mis en place deux solutions de recherche par IA, non disponibles en France pour le moment. AI Overviews, lancé en 2024, est activé par défaut sur Google, et affiche une réponse générée par IA au-dessus de la liste de liens classique. AI Mode, lancé le 20 mai, va plus loin, avec une page de recherche à part, entièrement gérée par IA et enrichie de contenus sur mesure, comme des graphiques.

    L’annonce a aussitôt déclenché la colère des éditeurs de presse américains, rassemblés dans la News Media Alliance : « Désormais, Google se contente de prendre le contenu [des sites] de force et de l’exploiter sans contrepartie », a déclaré sa présidente, Danielle Coffey, « c’est la définition même du vol ».

    « Un enjeu démocratique »
    Car avec les moteurs de recherche par IA, qui n’impliquent plus de cliquer sur des liens, c’est tout le modèle économique du Web qui risque de s’écrouler. Pour fournir des réponses de qualité, ces IA se basent sur le contenu des sites, mais n’imposent plus aux internautes de les consulter. Si de grands éditeurs de presse, comme le New York Times ou Le Monde, ont trouvé des accords financiers avec des entreprises d’IA, d’innombrables éditeurs de sites, petits ou grands, voient leur contenu aspiré et leurs visites s’effondrer. Depuis le lancement d’AI Overviews aux Etats-Unis, en mai 2024, le trafic vers les sites d’information américains provenant des moteurs de recherche aurait chuté de 26 %, selon l’entreprise d’analyse Similarweb.

    « Il y a un risque que le Web du futur ait des IA comme lecteurs plutôt que des internautes », note la sociologue des techniques Francesca Musiani, directrice du centre Internet et société du CNRS. Le Web pourrait se transformer en vaste base de données à destination des « bots », les programmes qui parcourent Internet pour nourrir les insatiables IA. « C’est assez inquiétant. Je ne sais pas si ça fait partie des avenirs désirables que Tim Berners-Lee avait envisagé ; moi pas. »

    Pour elle, les menaces que ces nouvelles pratiques font peser sur le Web ne sont pas anodines. « Préserver le Web tel qu’on le connaît aujourd’hui est un enjeu démocratique. Ce n’est pas qu’une question de nostalgie. » La chercheuse pointe, par exemple, la « standardisation » des réponses. « L’IA donne celle qui semble la plus consensuelle selon les données qui ont nourri le modèle. Ce qui risque d’invisibiliser certaines pensées, certains contenus. Or, un des principes dont s’est longtemps nourri le Web, c’est la pluralité des voix. »

    Une autre de ses inquiétudes porte sur la traçabilité des sources. « Quand on lit un texte sur le Web, on peut tenter de comprendre qui l’a écrit, avec quel objectif, quel biais idéologique… Avec des opinions synthétiques sans auteur identifiable, ça devient plus difficile. Il nous semblait déjà dur d’apprendre à nos étudiants de toujours remonter aux sources, là c’est un pas de plus pour nous compliquer la vie… »

    « Le Web est mort depuis longtemps »
    Se pose aussi, évidemment, le sujet de l’exactitude des réponses de ces IA, qui « hallucinent » régulièrement (comme celle de Google, qui avait conseillé de manger des cailloux et d’ajouter de la colle aux pizzas). Une crainte balayée par le PDG de Perplexity, Aravind Srinivas, dans les colonnes du magazine Wired : « En réalité, les erreurs ne représentent qu’une petite partie des résultats, et nos réponses sont bien plus pertinentes que dix liens bleus pollués par des décennies de contenu optimisé pour les moteurs de recherche. »

    Une pique à Google, dont la qualité des résultats est largement critiquée depuis plusieurs années. Et au Web en général ? Publicités invasives, pop-up, vidéos automatiques, pénibles artifices pour augmenter notre temps de présence : il est peu confortable d’y naviguer et, par contraste, l’efficacité des réponses générées par IA est saisissante. Ironiquement, les contenus générés par IA infestent le Web et dégradent aussi l’expérience des utilisateurs. Le serpent se mord la queue : les IA s’entraînent sur les contenus disponibles sur le Web, dont une partie grandissante est elle-même générée par IA.

    Pas nostalgique pour un sou, Jean-François Groff, l’ancien collaborateur de Tim Berners-Lee, estime pour sa part que « le Web a fait son temps. Il est mort depuis longtemps, et ce n’est pas l’IA qui l’a tué ». Pour lui, l’avènement des applications mobiles en a signé l’acte de décès – ce qu’annonçait déjà Wired en 2010. « Le mot Web a quasiment disparu chez les jeunes générations », souligne-t-il.

    Pour Google, le Web reste une priorité
    A la tête de Google, principale porte d’entrée du Web depuis deux décennies, Sundar Pichai tient un discours tout autre. Certes, dit-il dans un podcast du site The Verge, « le Web est en train de changer profondément », mais « le nombre de pages Web a augmenté de 45 % ces deux dernières années ». Grâce au contenu généré par IA ? « Bonne question », élude-t-il. Mais, selon lui, les outils d’IA générative, permettant, par exemple, de coder sans être spécialiste, vont rendre tellement simple la création de pages Web que les internautes seront naturellement incités à le faire, « car pourquoi se priver ? »

    Plus globalement, explique-t-il, ces outils offrent un pouvoir de création inédit aux internautes (image, vidéo, texte…). « Créer, développer : tout cela va devenir accessible à une bien plus grande partie de l’humanité. » Et n’est-ce pas l’idéal initial du Web ? A l’écouter, pas question, donc, de renier l’invention de Tim Berners-Lee. « Plus que n’importe quelle autre entreprise, notre priorité est d’envoyer du trafic vers le Web. Personne ne le fait autant que nous. »

    Mais à quel prix ? Quand bien même la grande transformation des moteurs de recherche préserverait l’intégrité du Web, l’impact pourrait être énorme sur d’autres plans. Comme celui de l’environnement. Pour Luc Julia, cocréateur de l’assistant Siri et auteur d’#IA_génératives, pas créatives (Cherche Midi), utiliser ces systèmes pour la recherche d’informations est « une aberration écologique totale ». « On va parfois chercher des choses très simples, comme la date de la mort de Napoléon… Or, ça prend mille fois moins de ressources de le faire dans Google que dans ChatGPT. C’est sympa, mais ça va péter la planète. »

    Comme le résumait Sergey Brin, le cofondateur de Google, dans une conférence en mai, « le rythme de progression des IA est si important que le sujet n’est pas seulement le Web. Je ne pense pas qu’on ait la moindre idée de ce à quoi le monde va ressembler dans dix ans ».

    #Morgane_Tual