• Ben Bernanke, ce hippie - RTBF Chroniques Paul Krugman
    http://www.rtbf.be/info/chroniques/chronique_ben-bernanke-ce-hippie-paul-krugman?id=7938631

    Plus que quelques semaines avant une date que la majorité des gens de Washington aimeraient, à mon avis, oublier : le début de la guerre en Irak. Ce dont je me souviens de cette époque, c’est l’extrême imperméabilité du consensus de l’élite en faveur de la guerre. Si l’on tentait de montrer que cette guerre reposait sur des motifs fallacieux crées par l’administration Bush, qu’elle ne tenait pas debout, si l’on montrait les risques et les coûts probables de cette guerre, eh bien l’on était traité d’ignorant et d’irresponsable.

    Apparemment, les preuves avancées pour critiquer cette hâte d’entrer en guerre n’avaient aucune importance. Quiconque s’opposait à la guerre était, par définition, un hippie idiot. Il est incroyable de constater que ce jugement n’a pas changé, même après que toutes les prédictions de ceux critiquant cette guerre se soient produites. Tous ceux qui ont soutenu cette entreprise désastreuse sont toujours considérés comme « crédibles » sur le plan de la sécurité nationale (pourquoi John McCain est-il toujours un personnage clef des talkshows du dimanche ?) alors que ceux qui s’y sont opposés sont toujours considérés comme suspects.

    Et ce qu’il y a d’encore plus remarquable, c’est qu’une histoire similaire s’est jouée ces trois dernières années, cette fois à propos de mesures économiques. A l’époque, tous les gens importants avaient décidé qu’une guerre sans aucun rapport avec une attaque terroriste était la réponse appropriée ; il y a trois ans, ils ont tous décidé que l’austérité fiscale était la réponse appropriée à une crise économique causée par des banques sans scrupules, avec le soi-disant danger imminent des déficits budgétaires dans le rôle tenu à l’époque par les soi-disant armes de destruction massives de Saddam Hussein.

    Aujourd’hui, comme à l’époque, le consensus a semblé imperméable à tous les contre-arguments, même ceux les plus fondés. Et aujourd’hui, comme à l’époque, les chefs du consensus sont toujours considérés comme crédibles, même s’ils se sont trompés sur toute la ligne (pourquoi les gens voient-ils toujours Alan Simpson comme un grand sage ?) alors que ceux qui critiquent le consensus sont vus comme des hippies stupides même si toutes leurs prédictions – à propos des taux d’intérêt, de l’inflation, des effets désastreux de l’austérité – se sont réalisées.