« Votre capital santé m’intéresse »
Texte de François Cusset publié dans le @mdiplo en janvier 2008
▻http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2008/05/23/la-politique-hygieniste-ou-la-medecine-instrument-de-
Théorisées il y a quelques années par un philosophe revenu du maoïsme, François Ewald, et par le coprésident du Mouvement des entreprises de France (Medef) Denis Kessler, sous les noms ronflants de « risquologie » (la théorie du risque comme « dernier lien social ») et de « principe de précaution », la détection systématique de toutes les conduites à risques et l’approche qui la sous-tend en termes de maximisation et d’amortissement de soi ont investi peu à peu toutes les régions de l’existence qui en étaient restées indemnes. Car il faut désormais prévenir la panne sexuelle du couple avec enfant(s). Organiser ses vacances comme un ressourcement optimal. Coller à une diététique de la vie saine, ou à la nouvelle biopolitique de la minceur. S’adonner au sport pour vivre plus longtemps ou pour s’offrir dès maintenant un « corps du dehors » (selon l’expression de l’universitaire Georges Vigarello pour désigner la motivation esthético-narcissique, désormais décisive, de toute pratique sportive). Et, pourquoi pas, s’essayer à l’aventure extrême pour le bienfait de ses « shoots d’adrénaline », ou même aux oboles du Téléthon puisque la myopathie, elle aussi, exige un effort de chacun. C’est bien la faute à chacun, en somme, si des malheurs aussi anachroniques que les maladies ou la décadence des corps nous tombent encore dessus en l’an 2008...