• Sandrine Cabut et David Larousserie, A qui appartient le savoir ?

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/02/28/a-qui-appartient-le-savoir_1840797_1650684.html

    Deux grandes voies existent pour respecter l’open access : la verte et la dorée. Dans la première, le chercheur dépose sur le site Web de son institution, de son pays ou de sa communauté une version revue et corrigée de son travail. Il peut aussi y mettre une version préliminaire dite « preprint ». L’accès à cet article est immédiat ou soumis à un délai de plusieurs mois selon la politique de l’éditeur. Dès 1991, les physiciens ont créé un site archivant les preprints : arXiv.org.

    En Belgique, l’université de Liège a été la première, en 2008, à rendre ce dépôt quasi obligatoire pour ses chercheurs sur son site ORBi. « Une université doit savoir ce qu’elle produit. Avec ORBi, nous avons pris conscience que nous sous-estimions de 2,5 fois notre production ! », souligne Bernard Rentier, le recteur de cette université. En France l’équivalent d’ORBi, HAL (hal.archives-ouvertes.fr), est déjà en place, mais non obligatoire, avec plus de 155 000 articles. Dans le monde, 1 500 dépôts institutionnels ont été créés.

    L’autre voie, dite dorée, correspond à un nouveau modèle économique et de nouveaux acteurs. Le plus souvent, le chercheur (en fait son employeur) paie pour être publié, de 1 500 à 5 000 dollars. « Il ne faudrait pas que les éditeurs profitent de ce système en se disant qu’ils vont pouvoir gagner autant d’argent qu’avec le modèle classique ! 500 à 1 000 euros seraient raisonnables », précise Bernard Rentier. Tous les éditeurs classiques soutiennent en fait désormais le mouvement du libre accès. « On ne se demande plus s’il faut le faire, mais comment », explique Jean-Frank Cavanagh, d’Elsevier, qui a déjà 31 journaux en open access doré. L’éditeur de Nature a lancé les Scientific Reports, et les trois quarts de ces journaux ont au moins des options de publications en libre accès.
    Vert ou doré, l’open access a du succès. Le taux de citation de ses articles est identique à celui des publications accessibles sur abonnement, selon une étude. Une autre enquête a montré que les articles déposés par les chercheurs en voie verte sont plus cités que ceux de la même revue restés payants. Les initiatives originales fleurissent. ELifeSciences met en ligne les commentaires des référents et les réponses des auteurs. PeerJ « casse » les prix de la voie dorée en proposant des forfaits aux auteurs. En France, Episciences propose d’éditer des articles en puisant dans des sites de la voie verte. Le projet Istex, doté de 60 millions d’euros, sera la prochaine bibliothèque scientifique nationale.

    Des alternatives au système classique d’examen par les pairs (peer review)sont aussi à l’étude, indique Hervé Maisonneuve, professeur associé de santé publique (Lyon) sur son blog (www.h2mw.eu/). Une compagnie britannique, Faculty of 1000, propose une relecture par des pairs non anonymes après publication en ligne. Si l’article est validé, il est répertorié dans des bases de données comme Medline. Une société américaine, Rubriq, offre aussi aux chercheurs de payer 500 à 700 dollars pour faire relire leur article en une semaine par trois pairs indépendants, avant sa soumission à un journal.

    Si toutes les universités du monde se lancent dans la voie verte, le modèle économique des éditeurs historiques souffrira. D’autant qu’Internet permettra une mondialisation de l’accès aux documents. « Il y aura un basculement de modèles mais il faut éviter qu’il y ait des victimes, en particulier parmi les petits éditeurs », précise Ruth Martinez, déléguée générale du Groupement français de l’industrie de l’information (réunion d’éditeurs, de bibliothécaires...).

    Ces modèles alternatifs pourraient faire émerger de nouveaux indicateurs, tenant compte du téléchargement, des visites, des éventuels commentaires... De quoi corriger l’autre grand défaut du système actuel : tout faire reposer sur la dictature du taux de citation d’un article.

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