• Beaucoup de ces normes existent parce qu’en face, des gens ont tenté de faire n’importe quoi pour du fric. Elles ont l’air ridicules, mais elles sont à mettre en perspectives avec les pratiques qui les ont rendues nécessaires. J’ai vu celle sur les œufs durs en cantine scolaire. Elle a l’air stupide, mais j’imagine bien l’économe qui a voulu augmenter la rentabilité en gavant les gosses d’œufs durs...

    • Certes, certes....

      Mais alors, comment expliquer qu’on s’en passe ailleurs ?

      Et je vois à titre personnel un autre problème : ce fatras normatif entrave l’initiative citoyenne, entrave qui condamne les petites communautés à dépendre vitalement des grandes faute de disposer du droit à s’organiser différemment à une échelle adaptée.

      Vous avez certainement essayé, en telle ou telle occasion de vous dire « Allez, je vais faire un truc sympa là où je vis » et, toujours, à ce moment là, mauvais coucheur arrive et vous explique que, non, madame, ça va pas être possible parce que vous comprenez, les oeufs durs, tout ça.

    • Il y a une forte culture dirigiste et centralisatrice en France, et ça rejoint notre faible sensibilité nationale à la question du management que j’ai évoqué ailleurs.

      Au lieu de fonctionner en misant sur la responsabilisation de tous les acteurs, les autorités ont l’habitude de tout résoudre en misant sur le droit, c’est à dire un amoncellement sans fins de permissions et interdictions spécifiques et infantilisantes. Pourtant on obtiendrait des résultats bien meilleurs en publiant des principes généraux et des objectifs plus lisibles : par exemple, celui de nourrir les enfants conformément à une norme de qualité diététique (même évolutive dans le temps) plutôt que de fixer le nombre d’oeufs hebdomadaire admissibles.

      Mais sinon comme dans toute activité de régulation, l’entropie est naturelle, et contrairement à l’informaticien, le législateur n’a pas toujours le réflexe du refactoring :-)

    • Par choix tout à fait personnel, je ne crois pas au caractère intangible des spécificités culturelles mais davantage à la force reproductrice qui les fait survivre inchangées, génération après génération, généralement en un seul lieu. Autrement dit, je postule que toute « culture » sert l’intérêt d’une communauté, qui devient ainsi l’ennemi du commun.

    • On ne s’en passe pas ailleurs. C’est pénible cette façon de dire « En France, c’est pire qu’ailleurs », « Une spécialité bien française blablabla ». Les incultes qui présentent le journal de 20h sont déprimants de bêtise : je me suis chopé quelques mauvaises notes en rédaction étant gosse, à faire des introductions aussi creuses et ineptes...
      Ailleurs, c’est pareil, des lois et règlements partout, pour tout et n’importe quoi, ils sont humains, comme nous, et ils veulent maîtriser leur environnement, ou se donner l’impression de.
      Et c’est pénible aussi cette absence d’humilité par rapport à ce qui a été fait par les autres auparavant : tu crois être le premier à éditer un journal, et tu t’aperçois que tu n’as pas le droit d’y écrire tout ce que tu veux, que c’est parfaitement encadré, pour éviter que les lecteurs ne viennent se faire justice eux même. On peut toujours gueuler à ce que ça tue dans l’oeuf l’initiative individuelle, mais n’empêche que ça nous aide à ne pas s’entretuer. Sans exagérer.
      A part ça, oui, les lois sont aussi une façon de maintenir un certain ordre social. Et il ne tient qu’à nous d’en modifier les plus scélérates pour que la loi s’approche autant que possible de ce qui représente l’intérêt général, et non quelques intérêts particuliers.

    • Je parlais plus prosaïquement du fait que je n’ai pas le droit de donner les légumes de mon jardin. Bah, oui, ils ne sont pas traçables. Je n’ai pas non plus le droit de replanter des graines, des fois qu’elles ne soient pas assez identiques au clone de référence testé par l’INRA.

      Je n’ai pas non plus le droit de faire du pain pour mes voisins.

      Je n’ai pas le droit d’aider mon voisin à réparer sa voiture (à moins que nous ayons préalablement signé un contrat de travail).

      ou de choisir la couleur d’un crépi, d’un volet

      ou d’offrir le cabanon du fond du jardin à un sans abri

      Les exemples sont innombrables. Et non, cette situation est typiquement française. Et j’insiste, c’est un moyen, efficace, d’asservir les petites communautés aux grandes.

    • Si tu te plains de l’excès de normes en France, ne va surtout pas aux Bas-Bas où elles sont infiniment plus nombreuses et plus contraignantes. La norme y définit non seulement la couleur mais la texture de ton crépi en sus de sa composition. Comme tu n’as pas envie de tout savoir sur les normes du crépi, tu te contentes d’aller dans un magasin voisin, de donner ton adresse et de demander quels sont les crépis afférents. Moyennant quoi le bâti des Pays-Bas a tout de même une toute autre gueule que celui de la France d’aujourd’hui...

    • Vous avez raison, il y a effectivement une différence importante. En France, l’arbitraire règne dans le domaine normatif : vous pouvez poser la même question pour un ravalement de façade donné aux architectes départementaux des bâtiments de France une année et obtenir une réponse. Et poser la même question l’année suivante pour obtenir une autre réponse.

      Question : dans un village de campagne, quel pourcentage des habitations n’est pas en vue de l’inévitable église inévitablement classée comme bâtiment historique et donc, soumis à l’arbitraire des architectes des bâtiments de France ?

    • Le plus amusant dans cette histoire d’esthétique urbanistique, c’est que tu ne peux pas choisir la couleur de tes volets, mais que l’agriculteur d’à côté peut installer un hangar monstrueux en alu pour ses engins, et autant de silos monstrueux qui surplombent l’église, ça ça passe. Tout comme un affreux supermarché et ses indispensables pancartes plus ou moins lumineuses..

      It’s economy, stupid !

    • Vous touchez du doigt le véritable rôle du fatras normatif : permettre aux mieux intégrés, aux plus éduqués, à ceux dont le réseau de relations est le plus fort d’obtenir tout par les exceptions à la règle.

      Tandis que le pékin moyen, l’étranger, le travailleur, le sans-grade se contente de la version lisible de la règle, la seule qui lui soit accessible sans l’expert soutien des professionnels de l’influence, la complexité et des réseaux.

      Cette forme de loi ne protège pas, elle ne fait qu’aliéner. Il faut donc la détruire.