CQFD

Mensuel de critique et d’expérimentations sociales

  • Belgique : La Grève du siècle par Sébastien Navarro
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    Un demi-siècle avant les diktats de la « troïka », la Belgique essuyait déjà les plâtres de plans d’austérité tous voués à l’adoration sado-masochiste du Dieu Marché et de son dogme libre-échangiste. Résultat des courses : durant l’hiver 1960-61, le pays sera paralysé par une grève de cinq semaines, la « Grève du siècle ».

    Fin des années 1950, la situation économique du pays se dégrade et les premières grèves éclatent en Wallonie après que le gouvernement conservateur de Gaston Eyskens a tenté de fermer la moitié des mines de charbonnage. Aux grands maux, les grands remèdes : Eyskens fait voter sa fameuse « Loi d’expansion économique, de progrès social et de redressement financier », plus connue sous le nom de « Loi unique » ou « Loi de malheur ». L’enjeu du dispositif sera brillamment exposé par le ministre de la Fonction publique de l’époque, Pierre Harmel : « La nécessité se faisait sentir d’un redressement à titre principalement budgétaire de telle manière que l’équilibre des recettes et des dépenses étant assuré, nous puissions consacrer une somme de plus en plus considérable […] à des investissements pour la conversion économique en face du marché commun. » En clair, il s’agit de liquider les industries déficitaires et de sabrer dans les dépenses publiques : hausse de la TVA, réduction des allocations chômage, baisse des subventions, etc. Le 20 décembre 1960 alors que le texte est soumis à la Chambre des Représentants, la grève éclate. En Wallonie d’abord, région ouvriériste fortement ancrée à gauche, jusqu’aux terres catholiques de Flandre et Bruxelles. La Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB) soutiendra le mouvement, quand elle ne tentera pas de le contenir. Un militant se souvient : « Avec un camarade, ouvrier d’aciérie, nous allons d’un atelier à l’autre et, en une demi-journée, [l’usine] Cockerill est complètement à l’arrêt. Renard est furieux : “C’est nous qui décidons et pas la base !”, dit-il. Il ne supportait pas qu’on le déborde. »