Deux articles de Jean-Baptiste Fressoz
Le climat fragile de la modernité, 2010
Il faut en somme prendre en compte ce fait étrange et dérangeant que la destruction moderne des environnements ne s’est pas faite comme si la nature ne comptait pas, mais au contraire dans un monde où ont longtemps régné des théories climatiques qui faisaient des choses environnantes les productrices mêmes de l’humain. Des modernes inconscients de la portée de leurs actes, aveuglés par leur foi dans le progrès et leur vision clivée du monde ? Notre post-modernité a aussi ses mythologies.
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Les leçons de la catastrophe, 2011
Le Japon n’est pas l’URSS des années 1980 : les préoccupations environnementales y sont pressantes, le mouvement écologiste structuré, et les normes parmi les plus strictes au monde ; les élections sont démocratiques, la presse est indépendante et le niveau de vie extrêmement élevé. Comment une société présentant toute les conditions de la « réflexivité » a-t-elle pu accepter la construction de plusieurs dizaines de réacteurs dans un archipel sismique (et la même question se pose évidemment chez nous) ? Après la catastrophe, les décisions vont dans le même sens : « continuer comme avant ». La Chine et l’Inde confirment la construction d’une cinquantaine de réacteurs (tout en déclarant bien sûr tirer les leçons de la catastrophe) et le gouvernement français en profite pour vanter la technologie EPR. Quant au PDG de Toyota, il appelle ses compatriotes à « travailler aussi dur que possible pour reconstruire le pays et soutenir la croissance » (Le Monde du 8 avril 2011). Ce qu’enterre réellement la catastrophe de Fukushima, (après l’échec de la conférence de Copenhague, le faux succès de celle de Cancun ou la ruée actuelle sur les gaz de schiste), c’est bien le songe postmoderne d’une société devenue enfin réflexive.
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