A Cannes, sous la Palme d’or, la plaie de l’argent
de Jacques Mandelbaum
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On sait depuis belle lurette, contrairement à ce que certains utopistes rêvèrent en d’autres temps, que le cinéma ne transforme pas le monde d’un iota. En revanche, sa force de témoignage reste intacte, comme sa capacité à pressentir, parfois, le monde qui vient. Si l’on en croit le bon cru des films sélectionnés au Festival de Cannes cette année, c’est une sorte d’Apocalypse qui se lève à l’horizon. Une juste rétribution à l’injustice triomphante, à la morgue insultante, au malheur écrasant. La raison de cette nausée ? Un mot y suffit : l’argent. Plus explicitement, Aura sacra fames, l’exécrable faim de l’or, pour citer l’antique Virgile.
On ressort de ces films terrifié. Car on sent bien que l’espoir d’un monde meilleur, la ressource d’une action collective, les ont désertés. Le recours à la violence n’est plus l’appel rationnel au renversement d’un rapport de force. Il est un geste de lassitude et de rage, de dignité bafouée, de vengeance assouvie. Un pur acte de rétorsion à la violence continue qui s’exerce, au su et au vu de tous, sur les plus faibles. « Seule la violence aide où la violence règne », écrivait Brecht dans Sainte Jeanne des abattoirs, remarquable pièce rédigée durant la crise de 1929. On en est toujours là.