Rumor

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  • Débat et proposition sur l’usage académique de la langue anglaise
    La stratégie du Sauna finlandais | Blogo Numericus
    http://blog.homo-numericus.net/article11138.html

    Au-delà du domaine académique dont parle ici Marin Dacos, les Digital Humanities, ses constats sur les inégalités dans le domaine académique et notamment celles liées à l’usage de l’anglais, et plus encore ses propositions, me paraissent importants à mettre en circulation. Peut-on contraindre les anglophones à simplifier leur expression scientifique dans leur langue maternelle (bref, simplifier, standardiser, « esperantiser » l’anglais) ?

    Sur le même sujet, cf. notamment le fil de discussion ouvert par @reka au sujet de l’usage de l’anglais comme langue de communication par les géographes français (http://seenthis.net/messages/124895), et plus largement, le débat sur l’anglais à l’université suite à l’article controversé de la loi Fioraso sur la recherche (par exemple ici : http://seenthis.net/messages/141079)

    L’anglais comme pla­fond de verre

    En effet, la maî­trise de la langue anglaise fonc­tionne comme un pla­fond de verre. Si nous adop­tions une méta­phore spor­tive, nous pour­rions dire que l’Europe conti­nen­tale, l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Afrique jouent en per­ma­nence à l’extérieur, alors que le monde anglo-​américain joue à domi­cile, même à 1000 km de ses bases… Dans les négo­cia­tions diplo­ma­tiques entre la Fin­lande et la Rus­sie, les diplo­mates avaient pris l’habitude d’utiliser l’avantage de « jouer » à domi­cile pour impo­ser des règles cultu­relles leur don­nant un avan­tage. Les Russes impo­sant le par­tage de bou­teilles de Vodka au cours de négo­cia­tions, étant cer­tains de leur supé­rio­rité dans la résis­tance à cet alcool natio­nal, et les Fin­lan­dais pous­sant à des négo­cia­tions à l’intérieur de sau­nas, pra­tique cor­res­pon­dant à un usage fami­lial pro­fon­dé­ment ancré et leur don­nant un avan­tage cer­tain. Je pro­pose donc, non sans esprit de pro­vo­ca­tion, que nos col­lègues anglo­phones rédigent leurs pro­po­si­tions de papiers dans un sauna à 80°C pour com­pen­ser leur avan­tage lin­guis­tique… On peut, en effet, se deman­der s’il faut favo­ri­ser les plus exclus du sys­tème, ou s’il faut han­di­ca­per ceux qui le dominent sans par­tage, comme on le fait dans les courses hip­piques. Ce prin­cipe du han­di­cap[29] est-​il trans­po­sable, du sport hip­pique à la com­pé­ti­tion scien­ti­fique en Digi­tal Huma­ni­ties ? Pour­quoi pas. Mais il fau­drait déter­mi­ner com­ment mar­quer ce han­di­cap sans être contre-​productifs, c’est-à-dire sans alté­rer de façon stu­pide le pro­ces­sus scien­ti­fique. A l’inverse, on peut ima­gi­ner des dis­po­si­tifs s’appuyant sur la dis­cri­mi­na­tion posi­tive, les quo­tas de contri­bu­tions, l’interdiction de cumul des man­dats, le sou­tien finan­cier aux dépla­ce­ments pour les pays et les labo­ra­toires les moins bien dotés, le tra­vail col­lec­tif pour mettre au point une bourse des tra­duc­tions col­la­bo­ra­tives, afin de faire pro­gres­ser le niveau d’anglais des pro­po­si­tions avant leur évalua­tion, etc. Cet article sou­haite ouvrir le débat sur la base d’informations car­to­gra­phiques struc­tu­rées, et non don­ner des réponses défi­ni­tives. Je pro­pose cepen­dant quelques lignes de force.

    De l’anglais au glo­bish[30]

    Allons jusqu’au bout du rai­son­ne­ment. La com­mu­nauté des Digi­tal Huma­ni­ties est anglo­phone en rai­son de la large dif­fu­sion de l’enseignement de l’anglais dans le monde, et non parce que les anglo­phones de nais­sance sont numé­ri­que­ment domi­nants dans cette com­mu­nauté. Accep­tons donc l’anglais comme seconde langue. En tant que seconde langue, il sera le Glo­bish, et non l’English. Ce Glo­blish, méca­ni­que­ment plus rus­tique et rudi­men­taire que l’Anglais d’Angleterre, sera un véhi­cule de com­mu­ni­ca­tion entre égaux.

    Fon­der une étiquette globish

    Ceux qui maî­tri­se­ront mieux cette langue pren­dront garde à ne pas par­se­mer leurs inter­ven­tions orales d’allusions com­plexes ou de traits d’humour néces­si­tant une fine com­pré­hen­sion de la langue. Ils s’excuseront d’être nati­ve­ment anglo­phones, alors que c’est actuel­le­ment le non nati­ve­ment anglo­phone qui s’excuse, en intro­duc­tion de son inter­ven­tion, de l’imperfection de son anglais. L’ensemble de la com­mu­nauté adop­tera un code de cour­toi­sie, une étiquette glo­bish, dans laquelle l’ensemble des par­ti­ci­pants s’obligeront à s’exprimer len­te­ment et clai­re­ment, sans macher leurs mots. Si néces­saire, ils pren­dront des cours de dic­tion. Pour intro­duire une inter­ac­tion avec une audience glo­bish, les orga­ni­sa­teurs choi­si­ront des salles dont l’acoustique est bonne, au détri­ment de salles peut-​être par­fois plus pres­ti­gieuse mais à l’acoustique désas­treuse. Ils dis­tri­bue­ront un car­ton blanc à chaque audi­teur, qui pourra être levé quand l’orateur s’égare et oublie qu’il parle à une audience glo­bish, afin de l’inviter à reve­nir en arrière, à ar-​ti-​cu-​ler, à refor­mu­ler, si besoin est. Ils met­tront en place un sys­tème de par­rai­nage dans lequel des anglo­phones natifs aide­ront les pro­po­sants à amé­lio­rer la qua­lité de leur anglais. Les anglo-​américains sont en géné­ral beau­coup trop polis pour nous aider à cor­ri­ger notre anglais, lors d’échanges par email ou par oral. Dès lors, nous ne pou­vons pas pro­gres­ser, ne sachant même pas si ce que nous disons est com­pris. Je pro­pose donc une modi­fi­ca­tion de cette pra­tique, en inté­grant à l’étiquette glo­bish une inter­ven­tion forte et régu­lière des anglo­phones à des­ti­na­tion des glo­bo­phones, pour les aider à amé­lio­rer leur anglais.

    Construire une confiance globophone

    L’anglais est un ins­tru­ment pra­tique et indis­pen­sable, auquel nous devons for­mer plus for­te­ment nos étudiants, à l’oral comme à l’écrit. Nous devons inci­ter nos étudiants à se jeter dans le bain de l’échange inter­na­tio­nal, dans le meilleur anglais pos­sible, en leur appor­tant un accom­pa­gne­ment de qua­lité, sur la longue durée. Au-​delà de la maî­trise tech­nique, c’est de confiance en soi, de confiance glo­bish, que nous devons doter notre com­mu­nauté. Sinon, com­ment expli­quer que nous ayons si peu de can­di­dats glo­bo­phones dans les élec­tions de nos orga­ni­sa­tions ? C’est bien d’une refon­da­tion glo­bale du rap­port à l’autre qu’il s’agit.

    Une autre référence utile à propos à nouveau du cas de la géographie :
    Geography after Babel – a view from the French province, par M. Houssay-Holzschuch, et O. Milhaud, Geogr. Helv., 68, 51-55, 2013
    www.geogr-helv.net/68/51/2013/ (version postprint, http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00828320)
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