Xavier Molénat

Journaliste, magazine Sciences Humaines

  • Le genre et l’expérience de la boîte
    Texte enervé (et pessimiste) de Denis Colombi sur la contestation de la « théorie du #genre » (sic)
    http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2013/06/jenseigne-le-genre-et-je-continuerais.html

    Il cite l’exemple qu’il utilise pour faire comprendre à ses élèves l’absurdité de tenter de fonder l’ensemble des différences hommes/femmes sur les données biologiques. Ca s’appelle l’expérience de la boîte, et c’est à la fois simple et très efficace, me semble-t-il

    Pour faire l’expérience que je vais décrire, nous aurions besoin d’une paire de nouveau-nés, des vrais jumeaux. Nous aurions aussi besoin d’une grande boîte dans laquelle un des jumeaux pourrait vivre sans aucun contact avec un autre être humain. La boîte devrait être telle qu’elle lui fournirait à boire et à manger, et évacuerait les restes, de façon mécanique. Elle devrait aussi être opaque et isolée, de telle sorte qu’il ne puisse y avoir d’interactions au travers de ses parois.
    L’expérience est simple : un des enfants est élevé normalement et l’autre est mis dans la boîte. Au bout de dix-huit ans, on ouvre la boîte et on compare les deux enfants pour voir s’il y a quelques différences entre eux. S’il y en a, nous pourrons conclure que grandir avec d’autres personnes a son importance. Si les deux enfants sont les mêmes au bout de dix-huit ans, il nous faudra conclure que la socialisation (ce que l’on apprend en étant avec d’autres personnes) n’a que peu d’importance et que la personnalité est génétiquement programmée.
    Vous vous dites sans doute « Bien sûr que la socialisation fait une différence ! Il n’y a pas besoin d’élever un enfant dans une boîte pour prouver cela ! ». Mais il y a beaucoup de gens qui disent que ce qu’une personne devient dépend de ses gênes. Si c’est vrai, alors cela ne devrait pas avoir d’importance qu’un enfant soit élevé dans une boîte. Son patrimoine génétique devrait faire de l’enfant ce qu’il ou elle est destiné(e) à être, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la boîte.

    #Théorie #Peillon #S.E.S.

    • Intention louable, expérience foireuse. D’abord l’enfant de la boite ne pourrais pas parler et aurait du mal a se faire comprendre. Et certainement il mourraient.
      Ensuite cela ne prouverai pas que ce qu’une personne devient ne dépend pas de ses gênes. Ce que l’on deviens dépend certainement en partie de nos gênes, car comme le dicton le dit : la nature propose, le vivant choisie. C’est parceque l’on a certains gènes qu’on peu parler etc...
      Le fait, que l’on puisse prouver que notre devenir est lié au gênes ou pas, ne change pas le problème qui est en fait avant tout « social ». C’est une question de pouvoir vivre les uns avec les autres.

    • Même avis que @bug_in : le propos est maladroit. Comme en physique, il sera peut-être temps de sortir de la démarche déterministe, pour passer à la démarche probabiliste. Quand la réalité est trop complexe pour l’esprit humain, vouloir construire un modèle qui excluent les autres approches au lieu de les inclure est un simplisme regrettable..

      Dans les commentaires, l’auteur déclare

      En un mot, je n’exclus pas a priori un facteur biologique d’un problème comme le viol, mais je refuse de l’inclure tout aussi a priori. Or, c’est cela qui est le plus souvent exigé.

      Je ne suis pas d’accord avec lui. Pourquoi ne pas l’inclure à priori ? Dans une analyse, il est plus facile de procéder par élimination, d’écarter une hypothèse que l’on a inclue à priori, que de piocher en dernier lieu dans ce qui semble être une réticence idéologique...
      Derrière je crois qu’il y a une confusion. Celle que la biologie ferait autorité, que l’on doit se plier à l’ordre naturel, que la biologie viendrait innocenter un comportement, donc excuser un comportement, bref que la biologie pourrait anéantir nos valeurs morales. Ce qui est faux. Nos valeurs morales doivent rester supérieures à nos prédispositions biologiques.
      Ce n’est pas parce qu’un mec a des pulsions de viol héritées de sa physiologie que l’on doit les tolérer, les excuser, les accepter.
      Les facteurs d’explications ne peuvent pas être considérées comme des circonstances atténuantes. Au contraire, plus on explique, plus on doit prévenir, plus on peut et on doit sanctionner la transgression..

    • Pourquoi ne pas l’inclure à priori ? Dans une analyse, il est plus facile de procéder par élimination, d’écarter une hypothèse que l’on a inclue à priori, que de piocher en dernier lieu dans ce qui semble être une réticence idéologique...

      Euh non mais c’est un peu n’importe quoi, scientifiquement, on inclut pas par défaut ! Par défaut on doute que tel truc existe, et si à un instant T on a une preuve ou un début de preuve qu’il y a un lien entre deux choses, là on approfondit, on fait des hypothèses et on vérifie. Mais tant qu’on a pas un début de preuve qu’une chose existe, on en fait pas une hypothèse en l’incluant par défaut... Sinon on peut passer sa vie à faire des hypothèses dans le vide, juste pour s’amuser à les écarter ensuite. C’est rigolo hein, mais ce n’est pas très productif. :D

      Sinon par défaut on dit que Dieu existe, et ensuite on écarte ? Non, par défaut « on n’en sait rien », et si quelqu’un apporte un soupçon qu’il existe, on vérifie ce soupçon.

      Or plus précisément pour la culture du viol, ou tous les trucs de genre entre « nature/culture » on a aucune preuve que la biologie implique des comportements particuliers. Les biais de raisonnement sont tellement énormes qu’on peut rarement partir dans ces directions : on ne peut pas tester ces hypothèses sur un humain adulte ou ado déjà développé, déjà éduqué, puisque du coup on ne peut pas savoir si c’est en fait sa culture qui le pousse déjà dans telle ou telle direction plutôt que telle production hormonale.

      Sinon @bug_in, peut-être que je me trompe, mais je crois que l’expérience de la boite telle qu’expliquée ci-dessus était un raisonnement par l’absurde : la personne ne pense a aucun moment que ce test pourrait être fait et pourrait prouver quelque chose. C’est juste qu’en disant ça, la plupart des gens finissent par dire « mais non, on va pas faire ça car évidemment que la socialisation joue un rôle » (ce que tu dis toi-même pour le langage).

      En fait en proposant ce truc horrible (car cette expérience serait horrible), les gens repensent leur « bon sens » à l’envers : avant ils disaient « mais on sait bien que les hommes sont plutôt comme ceci, les femmes comme cela », et finalement là ils se disent « mais on sait bien que l’éducation, la socialisation, va faire des personnes différentes », ce qui est totalement l’inverse. C’est pour faire penser les élèves autrement quoi.

    • @Rastapopoulos :

      on a aucune preuve que la biologie implique des comportements particuliers.

      Bien entendu. Mais on a des présomptions, des statistiques, qui montrent qu’il « peut » y a avoir une corrélation entre le sexe biologique et un comportement. Accepter à priori cette potentialité ne signifie pas que mon approche est biaisée par mon idéologie. La rejeter en revanche me semble plus problématique.

      L’observation, l’intuition, la statistique sont la matière première du chercheur. S’il n’est pas trop débile, il va déjà trier. Il ne s’agit pas pour moi d’inclure à priori n’importe quelle hypothèse farfelue. Je parle d’hypothèse, donc par définition, cela signifie qu’on cherche des preuves, qu’on n’en dispose pas encore à ce stade de l’enquête.
      Quand tu écris cela, je ne peux pas être d’accord :

      Mais tant qu’on a pas un début de preuve qu’une chose existe, on en fait pas une hypothèse en l’incluant par défaut...

      Les preuves n’existent jamais « à priori », il faut aller les chercher justement, en se basant sur l’observation, l’intuition, la modélisation et enfin la vérification de la validité de l’hypothèse.

      Comme je disais, je crois à l’existence du genre, je crois qu’il faut enseigner ce qui correspond pour moi à une réalité, et combattre ceux qui veulent la nier.
      Simplement dans cette façon de combattre, on n’a pas besoin d’opposer systématiquement nature et culture comme nos adversaires nous y invitent sans cesse.

    • Même s’il est vrai que les gênes ont une influence sur nos comportements, les gènes en ont aussi une :)
      Plus sérieusement, l’idée de la boîte est pas mal bien qu’elle amène inévitablement le débat sur des pentes un peu glissantes comme on le constate ici, mais au moins on est sûr que ça provoque la réflexion, donc j’approuve !

    • On peut ajouter que l’enfant dans la boîte opaque ne pourrait pas développer sa vue et serait donc aveugle (si j’en crois les recherches scientifiques sur la question), ce qui prouve encore une fois que nos fonctions même « primitives » (génétiques donc) dépendent de notre environnement.