Bannowpsy

Pedopsychiatre de secteur public

  • Suite au plan autisme

    Je m’appelle Edmond PERRIER, je suis psychiatre des hôpitaux, chef d’un pôle de pédopsychiatrie en Alsace.
    J’ai la responsabilité d’un vaste secteur géographique densément peuplé qui peut aujourd’hui s’enorgueillir d’avoir, depuis de nombreuses années, réellement mis en application la politique du secteur en psychiatrie : des soins accessibles pour tous, intégrés dans la cité, une collaboration très importante avec tous les acteurs de l’enfance et de l’adolescence, une équipe pluriprofessionnelle garante de la continuité des soins et de leur cohérence.

    Je pourrais citer de nombreux exemple de cette implication de notre secteur dans la cité et de nos conventions avec nos partenaires (Pédiatrie, CAMSP, maternité, structures médico-sociales, éducation nationale...). Je me contenterais de rappeler que le secteur a reçu la médaille des palmes académiques au travers du docteur Yves CARRAZ, à qui j’ai l’honneur de succéder comme responsable du pôle. Il est un des artisans principal de la qualité de l’outil de soin et de la compétence des équipes de mon secteur.

    Depuis plus de 20 ans nos hôpitaux de jours prennent en charge des enfants présentant des troubles psychiques divers et notamment des troubles du spectre autistique.
    Nous accueillons les enfants le plus tôt possible, car nous nous accordons tous sur le fait que le diagnostic et la prise en charge la plus précoce possible de ces enfants est un facteur primordial pour l’avenir.

    Nous garantissons aux familles qui s’adressent à nous, dès le premier contact, que nous allons les accompagner sans flancher tout au long du parcours de soin et d’intégration de leur enfant. Nous nous accordons tous sur le fait qu’une famille confrontée à la souffrance d’un enfant autiste doit être soutenue, écoutée, guidée dans le parcours qu’elle doit faire avec et pour son enfant.

    Nous accueillons donc des enfants dès l’âge de 2 ans dans nos structure de soins de jours et avant en soins individuels (consultations thérapeutiques, psychomotricité, intervention soin-éducatif auprès de la famille si nécessaire...).
    Dès que cela est possible, toujours dans le plus grand respect des demandes des familles, nous orientons les enfants vers une intégration scolaire. Si nous n’avons pas de scolarisation au sein de notre structure, nous avons néanmoins développé un réseau avec des écoles de notre secteur afin de permettre la scolarisation des enfants. Cette scolarisation se fait toujours en concertation avec la famille et l’institutrice ou l’instituteur qui accueille l’enfant. Nous assurons une continuité grâce à l’équipe de soin entre l’hopital de jour, la famille et l’école. Mais nous gardons à l’esprit que le pédagogique survient quand l’enfant est dans la possibilité psychique d’y accéder. Nous partageons l’aphorisme du professeur Pierre DELION : De l’éducatif toujours, du pédagogique quand c’est possible et du thérapeutique quand c’est nécessaire.

    Nous avons donc développé des prises en charge « sur mesure » pour chaque enfant qui nous est confié. Je pourrais même comparer notre position de soin avec la « haute couture », chaque prise en charge étant unique pour un enfant considéré comme un sujet unique. Notre travail implique pour l’équipe un partage d’une position éthique (chaque sujet est unique et les symptômes ont un sens), l’engagement à travailler collectivement (participation aux réunions de recherche commune, synthèses cliniques et engagement dans les réunions de régulation) et l’engagement à se former en continu.

    Pour développer notre outil de soin nous nous inspirons de différents mouvements théoriques et de la connaissance d’expériences pratiques. Ce souci constant d’articulation entre la pratique et la théorie doit nous préserver du risque de sombrer dans le pratico-inerte.
    La construction de notre travail quotidien et notre pratique est en dehors de toutes positions dogmatiques quelles qu’elles soient. Tout ce qui a été un apport majeur pour notre discipline est considéré si cela nous aide dans la prise en charge des enfants. Nous sommes largement irrigué par la psychanalyse, la phénoménologie, la psychothérapie institutionnelle et nous considérons comme très important les principes éducatifs sans oublier les apports de la pédagogie institutionnelle type Freynet. Nous considérons la dimension médical des troubles, les bilans sont toujours complets, l’approche neuro-développementale est toujours présente, la question génétique posée. Nous avons été les promoteurs d’un travail de thèse sur l’évaluation des soins dans notre structure et nous participons à une recherche sur cette évaluation avec les autres services de la région.
    Nous pourrions très facilement résumer notre cadre de soin comme étant relationnel et intégratif à visé neuro-développemental.
    Pas plus que des prises en charges uniquement cognitivo-comportementales nous ne réalisons des prises en charge psychanalytiques. C’est peut être là la complexité de notre travail et la complémentarité des approches est indispensable.

    Le 3ième plan autisme s’appuie sur les recommandation de l’HAS. Mais ce document fait lui même état de désaccord entres les experts concernés car en fin de compte certains ont émis des réserves pour le signer et d’autres ne se sont pas solidariser de ce rapport. Le rapport a du reste été critiqué par la revue prescrire tant dans l’absence de consensus que sur les conclusions (revue prescrire avril 2013).
    L’inquiétude est massive face à un plan qui ne contribue pas à apaiser les polémiques autour de la question de l’autisme, alors que c’est dans une certaine sérénité que les équipes doivent poursuivre le travail, l’améliorer et confronter les différentes approches.

    Notre équipe de soin est toujours prête à témoigner de son engagement et de son travail. Les familles qui nous font confiance, qui nous soutiennent sont nombreuses et souvent silencieuses sur la scène médiatique.
    Nous invitons madame le ministre et son équipe à venir nous rencontrer pour débattre sur place des soins aux enfants autistes et à partager notre expérience et nos questionnements.

    Notre inquiétude est immense quand au devenir de cet outil de travail qui se forge chaque jour grâces aux soignants qui sont engagés auprès des enfants et de leurs familles.

    Monsieur, je vous remercie d’avance si vous pouvez relayer ce message à madame Carlotti.
    Je vous prie de croire à l’assurance de mes respectueuses salutations.

    Docteur Edmond Perrier
    Chef de pôle de pédopsychiatrie
    Psychiatre du service public
    ed.perrier@icloud