• Les deux journalismes de données
    A partir d’un entretien dans Les cahiers du journalisme n°22/23, automne 2011
    Entretien titré « Evolutions des pratiques journalistiques sur internet » avec Jean-Marc Manach, journaliste en pointe sur le sujet, ancien de Owni.
    http://www.cahiersdujournalisme.net/cdj/pdf/22_23/09_MANACH.pdf

    Pour Manach :

    Il y a deux façons de faire du « data journalism »

    La première façon, pour lui

    [elle] consiste à prendre des sets de données qui sont accessibles publiquement ou que l’on parvient soi-même à créer. On est dès lors en mesure de révéler des informations que l’on n’aurait pas pu trouver si l’on n’avait pas analysé ces sets de données. Généralement les sets de données sont analysés par des universitaires, des chercheurs ou des scientifiques. (...) Au lieu de faire de l’investigation avec des témoins, des sources, des « gorges profondes », on va faire de l’investigation avec les données.

    La seconde, selon Jean-Marc Manach. Elle est liée à la première mais centrée sur une publication web. C’est celle qu’il semble soutenir.

    L’idée c’est d’essayer d’exploiter à fond ce qu’il est possible de faire sur Internet. Les sites d’information sur Internet ont tendance encore aujourd’hui a ne proposer qu’une transcription de la presse écrite. On prend des articles écrits, et on se contente de les mettre en ligne...

    [cette seconde manière permet ] à la fois d’accéder à l’information, de faire de l’investigation, et en même temps de la visualiser. Cela nous donne un autre accès à l’information. Il ne s’agit pas seulement d’illustration, sur le principe des infographies ou des photographies. Là, c’est quelque chose qui permet de creuser l’information et qui permet aux lecteurs d’aller plus loin. (...). On essaye d’aller plus loin que ce que peut faire le journaliste traditionnel et en même temps de faire des choses qu’on ne peut pas faire en radio, en télé ou en presse écrite.

    En pratique pour cette deuxième manière de faire, collective :

    De plus en plus de rédactions mettent en place des cellules où les journalistes travaillent avec des développeurs et avec des graphistes. Ils oeuvrent à créer quelque chose de différent, ce qu’on pourrait appeler des « articles augmentés ». Il ne s’agit pas de reportages, ni de webdocumentaires. Ce n’est pas uniquement du logiciel, ni uniquement de l’infographie. C’est au croisement de ces formats et métiers-là. On est donc amené à travailler ensemble.

    Et il cite une illustration de ce deuxième datajournalisme

    Le plus célèbre exemple est certainement l’enquête du Guardian sur les notes de frais des députés. Le Guardian a été très intelligent là-dessus. Il a récupéré ces notes de frais, il les a mises sur Google Doc et il a appelé ses lecteurs : « Prenez chacun 1, 2 ou 3 notes de frais et quand vous tombez sur quelque chose de litigieux, vous nous la renvoyez ! ».
    Ainsi, les journalistes du Guardian, qui matériellement n’auraient pas pu vérifier 500 000 notes de frais, ont déjà réussi à en traiter 250 000. Une rédaction ne peut pas vérifier 250 000 documents.

    #datajournalisme
    #journalisme_numérique