Sylvain Manyach

Ici, on parle de livres, d’idées, de musique, de droit public essentiellement

  • Cédric Durand (dir.), En finir avec l’Europe
    http://lectures.revues.org/11954

    L’ouvrage fait la démonstration que l’Europe, dans sa forme actuelle, c’est-à-dire néolibérale, condamne les peuples qui la composent à l’austérité budgétaire et à la déflation salariale. Aucune politique monétaire n’est possible dès lors que la Banque Centrale Européenne, qui jouit d’une indépendance à l’égard du politique, a pour seule et unique mission de garantir la stabilité des prix. Aucune politique budgétaire n’est possible dès lors que l’on accepte de se soumettre à une norme arbitraire limitant les déficits publics à 3 % du PIB. Norme qui a été vigoureusement renforcée par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, entré en vigueur au 1er janvier 2013. Même la dévaluation monétaire, arme efficace dans un système de changes flottants, ne peut être utilisée sans remettre en cause les fondements de l’union monétaire. Inspirés par Gramsci, Cédric Durand et Razmig Keucheyan qualifient cette situation de « césarisme bureaucratique »3. Ce n’est en effet pas la moindre des contradictions que l’Europe néolibérale ait réussi le tour de force de produire une situation économique qui n’a rien à envier aux dogmes de la planification soviétique.

    Pas nouveau, mais toujours bon à rappeler.
    Et encore

    Pour comprendre pourquoi, comme le disent les auteurs, « la crise européenne est une crise des intellectuels organiques du projet européen » (p. 104), il faut se rappeler la violence de l’éditorial de Serge July du 30 mai 2005 intitulé « Chef-d’œuvre masochiste ». La victoire du « non » célébrait donc pour cet éditorialiste la victoire d’un « populisme » aigri contre l’ouverture souriante aux bienfaits apportés par la globalisation financière. Une crise financière plus tard, il faut effectivement s’interroger, à l’invite de Razmig Keucheyan et Cédric Durand, pour savoir où sont passés les « intellectuels organiques » du projet européen ? Fédéric Lordon avait, dans un article salutaire de 2008, commencé l’inventaire des économistes « disqualifiés » par leur aveuglement face à la réalité de l’événement11. La tâche est d’ampleur mais elle mériterait d’être poursuivie au-delà de cette seule discipline.

    #Europe #crise