Sylvain Manyach

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  • RAGEMAG | Municipales : l’œil de l’extrême droite
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    En effet, l’extrême droite s’accommode bien de l’inégale répartition des richesses. Il faut dire que celle-ci est peu photogénique. Comment le FN pourrait-il insérer l’offshore dans son discours ? Si l’extrême droite dénonce la corruption des élites, ce n’est pas pour s’en prendre au système qui la rend possible, mais dans l’espoir de s’installer dans ses confortables fauteuils ainsi devenus vacants. Il est plus facile de désigner une couleur de peau différente que les intérêts convergents des grandes fortunes. Car les comportements prédateurs des firmes et des rentiers consistent précisément à fabriquer de l’invisible : la fraude fiscale massive et organisée, tout comme les milliards accumulés en profit ou en dividende, sont escamotés de l’espace public. En criant haro sur les pauvres (visibles), l’extrême droite préserve les riches (invisibles). Le regard, dans son immédiateté, est bien son instrument principal. L’expérience quotidienne de la rencontre avec l’étranger – réel ou fantasmé – peut servir de matériau à l’expression de toutes les frustrations, quand la prédation capitaliste demeure dans le secret des paradis fiscaux et des chambres de compensation luxembourgeoises.

    Bien sûr, l’extrême droite a ses bons pauvres et ses mauvais riches. C’est notamment le cas depuis que le FN est sous la houlette de l’ancien chevènementiste Florian Philippot. Désormais, on s’en prend à l’oligarchie et à la « finance mondialiste ». Mais ce n’est jamais l’accumulation elle-même qui est dans le viseur. Seuls ceux d’entre les puissants qui complotent contre les nations (et contre leur homogénéité fantasmée) sont condamnés. En sous-main, les « gudards » proches de Le Pen ouvrent des comptes offshores aux barons « socialistes ». A un capital « apatride », le FN préfère un capital bien de chez nous. Mais l’essentiel de ses flèches, l’extrême droite le réserve aux plus humbles.

    Face à elle, la gauche antilibérale est désavantagée. En effet, elle ne peut qu’imparfaitement s’adosser à la perception – puisqu’elle fonde sa théorie sur des réalités peu visibles voire masquées, celles de l’existence de l’oligarchie, de la domination du secteur financier et des intérêts du capital contre ceux des peuples. Peu de lieux et d’expériences, dans le vécu de chacun d’entre nous, donnent limpidement corps à ces réalités. Ce n’est pas au guichet de la banque du village qu’est visible le réseau international qui en constitue pourtant l’indispensable soubassement. Pour la grande majorité des gens, ces forces demeurent impalpables, sans incarnation tangible dans la vie quotidienne. Les médias participent d’ailleurs à cette politique du visible (et donc de l’invisible) qui consiste à monter en épingle le fait divers et à escamoter les grands enjeux financiers structurants.

    Excellent article, vraiment

    #FN #municipalités #visible #invisible