Monolecte 😷🤬

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • Pourquoi ne se révolte-t-on pas ? Pourquoi se révolte-t-on ? | Contretemps
    http://www.contretemps.eu/interventions/pourquoi-ne-se-révolte-t-pas-pourquoi-se-révolte-t

    Ce pessimisme est renforcé par le malaise que suscite chez nombre de philosophes de Francfort réfugiés aux Etats-Unis la rencontre de la #société américaine, dont les #classes populaires semblent accepter l’#exploitation dont elles font l’objet. Ce phénomène est mis sur le compte de mécanismes psycho sociologiques complexes, conduisant à l’intériorisation par les acteurs des valeurs au nom desquelles ils sont exploités. Les philosophes de Francfort, notamment Adorno et Marcuse, mettent l’accent, plus particulièrement, sur le rôle joué dans la société américaine par l’industrie culturelle, le cinéma, les #médias, la #culture de masse, etc. et sur des processus d’acceptation de l’autorité qui passent par la répression sexuelle durant la prime #éducation. Pour un penseur comme Marcuse, le modèle de #domination qui s’est mis en place aux Etat-Unis n’est pas moins #totalitaire que ne le sont le fascisme ou le stalinisme même s’il s’effectue par des moyens moins violents et semble compatible avec des idéaux qui se réclament de la #démocratie. C’est au cours de ces réflexions que se met en place une interprétation de la #violence sociale qui sera reprise et réélaborée par Pierre Bourdieu. Pour comprendre la violence, il ne suffit pas de prendre en compte la violence physique patente, mais aussi la violence symbolique qui aboutit à des résultats similaires, mais de façon dissimulée et avec une acceptation au moins apparente de ceux qui subissent cette violence.

    Vingt ans plus tard, un problème similaire s’est posé à la #sociologie critique française des années 1960-1970. Au début des années 1960, un thème joue un rôle très important dans la sociologie conservatrice et/ou de #gauche sociale-démocrate. C’est le thème de la fin des idéologies, développé notamment en France par Raymond Aron. Et celui de la fin de la lutte des classes. Selon ces théoriciens conservateurs, le monde occidental est entré dans une « société de l’abondance », qui annonce la dissolution progressive des classes sociales (au profit d’une grande classe moyenne) et l’affaiblissement des luttes de classes. Des sociologues, comme l’anglais John Goldthorpe, décrivent ainsi le nouvel ouvrier de la société de l’abondance, qui a abandonné le projet d’émancipation par la révolution, au profit d’efforts visant à s’intégrer à la société sociale-démocrate, combinaison d’étatisme et de marché, par le truchement de l’école, par la mobilité sociale et par l’accès à la #consommation.

    La sociologie critique, qui se redéploie au cours des années 1960-1970, cherchera des arguments pour contrecarrer ce schème. Elle cherchera à montrer que les inégalités et la domination sont toujours aussi importantes. Mais elle doit aussi expliquer pourquoi ces #inégalités et cette domination n’entraînent pas un niveau plus élevé de contestation et de révolte. C’est dans ce contexte de lutte idéologique que se mettent en place les nouvelles théories de la domination qui mettent l’accent sur le rôle joué par les institutions culturelles et, particulièrement, par l’école, sur les processus de diffusion et d’intériorisation de la violence symbolique.

    C’est, au moins pour une part, par rapport à ce genre de problème qu’il faut comprendre certains des concepts développés par Pierre Bourdieu, particulièrement à propos de l’école, comme ceux de légitimité, de culture légitime et d’intériorisation de la domination. Pour dire vite, l’un des effets de l’inculcation scolaire serait d’amener les acteurs à intérioriser et même à incorporer les schèmes d’une culture légitime. Or, c’est par l’intermédiaire de cette intériorisation et de cette incorporation de la culture légitime que les acteurs dominés en viendraient à accepter comme normale la domination dont ils font l’objet.