• La « sanctuarisation de l’école », héritage historique

    « Sanctuariser l’école »... C’est ce que le ministre de l’éducation, Vincent Peillon, demandait mercredi 16 octobre, à la sortie du conseil des ministres. C’est aussi a minima ce que réclament les lycéens qui manifestent. Ils refusent qu’on vienne chercher un élève dans un établissement ou lors d’une activité périscolaire pour le renvoyer dans son pays. Interdire que des interventions de ce type se déroulent dans l’enceinte scolaire – et dans ce qui en constitue un prolongement –, c’est ce qui devrait sortir de la circulaire interministérielle en préparation. Car, si l’école sanctuaire existe dans les esprits, elle n’existe pas dans les textes.

    « C’est un héritage de l’histoire. Une très vieille idée qui remonte à la franchise des universités en 1215. A cette époque, l’université de Paris s’est élevée contre la police municipale qui voulait y faire régner l’ordre, rappelle le juriste, inspecteur général honoraire, Bernard Toulemonde. Il ne faudrait pas croire pour autant que l’université est un lieu de non-droit, puisqu’en cas de flagrant délit, de crime ou de délit la police peut entrer et que, dans d’autres cas, le président d’université peut l’y autoriser. »

    L’intéressant, aux yeux de l’historien Claude Lelièvre, professeur d’histoire de l’éducation à Paris-V, c’est que ce concept, qui n’a aucune existence juridique à l’heure actuelle pour l’enseignement scolaire, est pourtant très profondément ancré dans nos consciences. L’explication est simple : « L’idée de la sanctuarisation vient de Durkheim. Pour le philosophe, c’est d’abord parce qu’elle remplace l’Eglise que cette institution est pensée comme un sanctuaire et que ceux qui y enseignent forment un clergé. » Latent dans notre vision de l’institution, ce thème n’avait pas refait surface depuis quelque temps.

    MOT QUASI MAGIQUE

    Dans l’histoire récente, c’est le ministre de l’éducation François Bayrou (1993-1997) qui l’a ressuscité. Confronté à une épidémie de violence, il a décidé de répondre par ce mot quasi magique. Aujourd’hui, la situation est différente mais l’attente aussi forte. « Nous nous félicitons de l’intention du chef de l’Etat de sanctuariser nos établissements, note Philippe Tournier, le secrétaire général du syndicat des proviseurs. Il y a des choses qui ne se font pas dans un cadre scolaire. »

    D’autant que les affaires Leonarda et Khatchik font émerger un autre concept qui est le « droit à l’école ». "On oublie volontiers que la scolarité ne s’est installée que très récemment comme droit. Dans l’école de Jules Ferry c’est un « devoir » dont on doit s’acquitter pour être un bon citoyen. Après la seconde guerre mondiale, il y a glissement du devoir vers le droit. Aujourd’hui se pose la question de l’intégration. Est-ce qu’aller à l’école ouvre le droit de rester sur le territoire français ?", se demande M. Lelièvre. Ce serait alors le degré supérieur de la sanctuarisation.

    Maryline Baumard