• A l’encontre » Qatar. Le mondial et le tombeau des prolétaires du désert
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    Ses anciens compagnons de chambrée ne se souviennent plus de son nom de famille. Tout juste se rappellent-ils qu’il se prénommait Perumal, qu’il avait la quarantaine et qu’il venait du sud de l’Inde. L’homme avait débarqué au mois de juin dans la pièce insalubre qui leur sert de dortoir, à Al-Khor, une localité du Qatar, balayée par le vent du désert. Tout l’été, il avait trimé à leurs côtés, onze heures par jour et six jours par semaine, sur l’un des chantiers qui prolifèrent dans cet émirat depuis qu’il s’est vu confier l’organisation de la Coupe du monde 2022. « Notre employeur avait refusé de nous accorder la pause qui est prévue par la loi entre 11 h 30 et 15 heures, durant les deux mois les plus chauds de l’année », où la température peut monter jusqu’à 50 °C, témoigne un ex-collègue.

    L’aurait-il voulu, le charpentier du Kerala [Etat très peuplé de l’Inde, au sud-ouest] n’aurait pas pu changer d’emploi ou rentrer chez lui. Pilier de la vie économique du Qatar, le pays doté du PIB par habitant le plus élevé au monde (110’000 dollars par an), la règle du sponsor (kafala en arabe) interdit à tous les employés étrangers, y compris les Occidentaux, de rompre leur contrat sans l’aval d’un tuteur qui est souvent leur patron. En dépit de ces contraintes, qui confinent au travail forcé, Perumal se cramponnait aux rêves ordinaires des petites mains de la péninsule Arabique : faire vivre la famille restée au pays, revenir dans trois ou quatre ans avec un pécule suffisant pour marier une fille ou construire une maison.

    Mais un jour de la mi-septembre 2013, de retour du travail, ses camarades l’ont découvert prostré sur son lit, le corps roide. « Il s’était plaint de fièvre le matin et il avait renoncé à prendre le bus, raconte le chauffeur, responsable du transport des ouvriers jusqu’au site de construction. Je l’ai emmené à l’hôpital où on lui a administré un cachet, puis je l’ai ramené au camp et je suis reparti. Quand nous sommes revenus le soir, il était mort, foudroyé par une crise cardiaque. Une ambulance est venue le chercher et nous n’avons plus entendu parler de lui. »

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