Pierre Coutil

de celles et ceux qui marchent avec… (enfin qu’essayent).

  • Prof, le plus vieux métier du monde (Slate.fr)
    http://www.slate.fr/story/77556/prof-le-plus-vieux-metier-du-monde

    […] pour les enseignants nés en 1950, l’âge moyen de départ à la retraite reste de 60 ans, mais pour ceux nés en 1978, par exemple, il sera de plus de 66 ans. […]
    C’est en fait la conjonction de deux tendances — la logique des réformes de retraites en effet et surtout l’arrivée tardive sur les estrades des écoles des jeunes enseignants […].
    Les profs commencent en effet à enseigner assez tard : 27 ans pour le premier degré et 28 ans pour le second, indique le ministère de l’Éducation nationale. La « mastérisation » a élevé le niveau de la qualification pour devenir professeur (bac + 5), ce concours est parfois réussi après plusieurs essais successifs, ou après des tentatives d’exploration vers d’autres métiers. […]
    L’image saisit tout de suite : 70 ans pour enseigner devant une classe de quatrième, cela parait indubitablement âgé. […]
    Le débat actuel sur les retraites a fait émerger le sujet de la pénibilité chez les fonctionnaires : le « compte personnel de pénibilité », qui devrait être instauré en 2015 pour les seuls salariés du privé, intéressent aujourd’hui des métiers du public comme les infirmières des hôpitaux.
    Mais les profs sont loin d’être concernés. Ils ne travaillent pas en horaires décalés et si l’on cherche des critères objectifs cette catégorie professionnelle bénéficie d’une longévité remarquable.
    […]
    Mais surtout Philippe Watrelot, qui est à la fois enseignant et formateur d’enseignants, considère le puissant décalage entre le métier rêvé, souhaité, (élèves attentifs et curieux, calme dans la classe) et la réalité (que je vous laisse imaginer) de classe pèse beaucoup sur le moral des professeurs. Pour le dire autrement : enseigner c’est « déceptif ».
    […]
    La souffrance au travail est un sujet qui monte chez les profs. En juin 2012, le rapport de la sénatrice Gonthier-Maurin tendait un miroir effrayant aux enseignants. L’élue y parle de travail « empêché » et de conditions dégradées. L’année dernière une enquête commandée par la MGEN (mutuelle des enseignants) et réalisée auprès de deux milliers d’enseignants de 400 lycées et collèges établissait qu’un professeur sur six souffre de burn out.
    […]
    Enfin, le problème que soulignent tous mes interlocuteurs demeure qu’il est difficile de sortir de l’enseignement.

    #éducation #métier #enseignants #travail #souffrance

    • Une thèse développée par Alain Accardo : le capitalisme marchand a vaincu le capital culturel.

      Comme ricane le richissime Warren Buffett : « La guerre des classes, c’est ma classe qui l’a gagnée ! ». Le patron a terrassé le professeur, le marchand a pulvérisé l’enseignant, le gestionnaire a éclipsé l’universitaire et autour de monsieur Bergeret ligoté au poteau d’infamie, Babbitt ivre d’orgueil fait la danse du scalp.

      De cette défaite historique, on peut craindre que les enseignants ne se relèvent jamais. C’est de cette intuition douloureuse qu’ils sont depuis longtemps malades et les jeunes générations (largement féminisées, symptôme infaillible de la dévalorisation sociale) plus encore que les anciennes pour s’être laissé embarquer dans le train de l’élitisme moderniste et managérial. Ils sentent bien, derrière les bricolages réformistes des « nécessaires évolutions », que la misère de leur position est irrémédiable dans un monde où ils pèsent moins que les gladiateurs et les histrions, un monde auquel leur mission était d’insuffler du sens et qui leur préfère désormais d’autres marchands de rêve.

      http://blog.agone.org/post/2013/10/26/Le-scalp-de-monsieur-Bergeret

    • Je trouve le texte d’Accardo un peu curieux, ds la stricte séparation qu’il semble faire, comme s’il n’y avait pas eu de « bourgeoisie éclairée », mécènes, salons, « protecteurs des sciences », « haute culture » légitimante venant redoubler la domination économique, comme si savants et artistes n’étaient pas eux-même le plus souvent des enfants de la bourgeoisie industrielle etc. En gros, il a l’air de faire une dichotomie entre l’instituteur et l’industriel sur une base politique et puis c’est tout, comme si le capital n’allait pas au capital qq soient ses formes. Ou alors je saisis mal.

    • @moderne (qui dit que)

      En gros, il a l’air de faire une dichotomie entre l’instituteur et l’industriel sur une base politique et puis c’est tout, comme si le capital n’allait pas au capital qq soient ses formes. Ou alors je saisis mal.

      Opposer l’instituteur à l’industriel est un fait marquant depuis l’époque de Jules Ferry. Serait-ce parce que l’instituteur est en première ligne sur le front de la misère sociale ? L’école primaire s’est fait forte d’accueillir tous les enfants sans distinction. Le collège et le lycée bénéficiaient d’un écrémage : il y avait le fameux certificat d’études qui était une première porte de sélection puis le Brevet (BEPC : brevet d’études principales du collège). Les enseignants du second degré se sont trouvés confrontés à des élèves de toutes catégories sociales et cette mixité sociale a contribué à déstabiliser bon nombres d’entre eux qui avaient la fâcheuse habitude pédagogique de ne faire cours que pour les « bons élèves ». Dans le premier degré, les enseignants se sont vite tournés vers l’innovation pédagogique pour maintenir l’intérêt des enfants pour les apprentissages fondamentaux et les connaissances plus orientées « culture générale ». Et là on peut effectivement prétendre que la plupart des instits ont oeuvré à développer chez leurs élèves une tête bien faite alors que dans le second degré, on met encore trop souvent le paquet sur une tête bien pleine. Alors, oui, l’instit a pu passer pour une sorte de dangereux révolutionnaire pendant que son alter ego du collège ou du lycée était mieux accepté par la bourgeoisie industrielle ou marchande.

    • a pu

      J’ai l’impression que le débat en cours n’est pas sans lien avec la question du recrutement. Il y a 10 ans quand je suis entré dans le métier, on croisait des instits qui étaient entrés à l’#École_Normale au niveau de la seconde (donc bac-2). Aujourd’hui, approchent de la retraite ceux qui ont intégré l’École Normale juste après le bac. Il y a 15 ans pour entrer à l’#IUFM, il fallait une licence (bac+3). Depuis la dernière réforme, il faut un master (bac+5) pour devenir instit’, pardon professeur des écoles. Sociologiquement, il n’y a plus de réelles différences entre les professeurs (des écoles ou du secondaire). En terme de salaire, oui, mais sinon…
      Avant l’instit’ était issu des milieux populaires ET sa formation relevait de la promotion sociale (l’ascenseur ?). Par exemple, par ici il y avait des instits, fils et filles de paysans, ailleurs d’ouvriers. Aujourd’hui, comme le professeur du secondaire, l’instit’ un universitaire (bac+5), son choix d’orientation relève davantage de la reproduction sociale. Socialement, l’instit’ d’aujourd’hui ne comprend pas ses élèves des quartiers populaires car il vient de la bourgeoisie (d’où son finkielkrautisme latent). Pédagogiquement, l’instit’ d’aujourd’hui est un bon élève qui a mené à bien sa scolarité (bac+5 !), il a donc intrinsèquement du mal à comprendre pourquoi ses élèves échouent là où il n’eut aucune difficulté lui-même.
      [J’en parle tranquillement, j’en suis de ces instits.]

      J’ai bien peur que « l’instituteur […] en première ligne sur le front de la misère sociale » ne soit que résiduel.

      Pour moi, l’institutorat est une forme d’artisanat. Du coup, j’ai fort regretté que la création des #ESPÉ ne valide la format universitaire plutôt que de (re)devenir une formation professionnelle. Un recrutement post-bac plus ouvert sociologiquement qui aurait pu mener les impétrants au concours à un bac+5 malgré tout.

      Puisqu’il semble que la formation des professeurs soit au centre des systèmes éducatifs les plus performants : http://seenthis.net/messages/189141

      NB : à noter que pour la profession des enseignants, la revalorisation en niveau d’étude s’est accompagnée d’une dévalorisation salariale et sociétale, ainsi que d’une féminisation de la profession.

    • @heautontimoroumenos (qui dit que)

      Pour moi, l’institutorat est une forme d’artisanat. Du coup, j’ai fort regretté que la création des #ESPÉ ne valide la format universitaire plutôt que de (re)devenir une formation professionnelle.

      Tout à fait d’accord, nous sommes des artisans voire même des artistes (je comparais ma préparation de classe à la mise en partition d’une symphonie pour orchestre, vu que j’ai le plus souvent exercé en milieu rural dans des classes à plusieurs cours. D’ailleurs ce côté bricolage artisanal et débrouille fut également raillé par certains de mes collègues, qui ne voyait dans cette façon de faire qu’une simple perte de temps.
      Maintenant la formation des enseignants fut-elle jamais « professionnelle » ? J’en doute. Étant passé par une formation en deux ans à l’École Normale (post bac+2 ans de glandouille en université), j’ai appris par l’expérience du terrain. Comme bon nombre de mes collègues d’alors. En discutant avec des plus jeunes, de ta génération, je pense, je me suis aperçu que la formation des PE (profs des ecoles) était toujours aussi indigente, trop « universitaire » et déconnectée des réalités du terrain.