Pourquoi suis-je devenue abo plutĂŽt que lĂ©galiste comme je lâĂ©tais au dĂ©but ?
Au dĂ©but, pour moi, une pute, câest une femme concrĂštement exploitĂ©e jusquâĂ lâos et qui vit sous une double contrainte dĂ©gueulasse dont la plus forte est sa marginalisation dans la sociĂ©tĂ©. Dans un de mes papiers, je demande pourquoi tout le monde fait comme si les putes nâĂ©taient pas des personnes comme les autres, comme si elles nâavaient pas les mĂȘmes besoins humains que les autres : âșhttp://blog.monolecte.fr/post/2006/03/08/184-les-putains.
Donc, mĂȘmes les proputes, on ne les entend pas des masses sur les questions essentielles de lâinclusion sociale des femmes : retraite, santĂ©, enfants, droits, vie sentimentale, maritale, familiale. On va me dire : si on lĂ©galise, elles auront enfin accĂšs Ă des droits sociaux. Certes. Et Ă ĂȘtre bien intĂ©grĂ©es dans le tissu social, aussi ? Jâai de gros doutes sur toute la ligne. On devrait amĂ©liorer lâexistence des quelques pour cent de putes « volontaires », mais pour toutes celles qui sont clandĂ©es, dans des rĂ©seaux, exploitĂ©es par des types et tout, jâai comme des gros doutes quant Ă la volontĂ© de leur exploiteur de remplir les liasses URSSAF ou de cocher les cases SĂ©cu. Par contre, ils pourront continuer leur sale job dâesclavagistes en toute quiĂ©tude, mĂȘme si on maintient la pĂ©nalisation du proxĂ©nĂ©tisme : je suis convaincue que mĂȘme les putes analphabĂštes auront rempli des dĂ©clarations sur lâhonneur quâelles sont volontaires et sans mac.
En admettant quâon lĂ©galise totalement la prostitution, quâon rentre les proxos dans le droit du travail (dĂ©jĂ quâon a du mal avec les patrons dâactivitĂ©s lĂ©gales, mais admettons, hein !), la prostitution devient une affaire totalement lĂ©gale et normalisĂ©e, mĂȘme quâon lâappelle assistance sexuelle et quâil y a des statuts spĂ©ciaux et une convention collective qui va bien. Oui ce serait un immense progrĂšs pour la vie des putes... mĂȘme si je pense que la grosse majoritĂ© Ă©tant liĂ©e aux trafics dâhumain nâen verrait pas la couleur.
Mais il y aurait un corolaire quâon fait semblant de ne pas voir, tant on a bien intĂ©riorisĂ© que les putes, câest les autres : il devrait y avoir des filiĂšres de formation et des offres dâemploi de putes... et donc, trĂšs logiquement, on devrait pouvoir proposer Ă TA fille qui est un peu paresseuse Ă lâĂ©cole, mais avec un beau capital fessier une orientation qui serait plus dans ses compĂ©tences... Et encore plus logiquement, pute devient une offre dâemploi acceptable pour PĂŽle Emploi, une voie royale dâinsertion, surtout pour toutes ces jeunes femmes qui peinent tant Ă trouver un premier boulot... Et par un effet de non-discrimination, les offres de pute devraient ĂȘtre ouvertes Ă toutes les candidatures, que ce soit les hommes, les vieilles, les moches...
Bon, allez, soyons clairs, vous sentez bien quâil y a une couille dans le potage de la lĂ©galisation, non ? Parce que, prĂ©cisĂ©ment, pute nâest pas du tout un mĂ©tier, câest un acte de violence pure... mais on va y revenir.
En dehors du fait que jâai dĂ©jĂ rĂ©flĂ©chi aux consĂ©quences concrĂštes de la lĂ©galisation de la prostitution, Ă moment donnĂ©, je me suis posĂ© la question du client en ces termes plutĂŽt froids :
Pourquoi payer pour avoir ce que lâon peut tout Ă fait obtenir gratuitement ?
Quelle est la motivation du client ?
Je connais le discours habituel - et jâen ai parlĂ© plus haut - sur les motivations des clients, de pauvres petites choses incomprises, seules et malheureuses dans un monde de brutes. Sauf que si on veut sâen donner un tout petit peu (mais vraiment un tout petit peu...) la peine, on peut toujours trouver une femme disposĂ©e Ă partager un peu de sexe ou mĂȘme quelques verres, ou mĂȘme une oreille compatissante. Jâai plein de copines cĂ©libataires qui ne cherchent pas du tout le prince charmant et qui ont lâesprit trĂšs large...
La réalité du terrain semble assez éloignée du clichton pour mauvais roman bourgeois, avec des putes qui, surtout, sont en butte à la violence de leurs clients (en plus celle de la société).
Pourquoi acheter lâaccĂšs au sexe dâune femme ? Pour pouvoir la dominer et non pas partager, pour pouvoir lâutiliser et la contraindre, ce que lâon ne peut pas faire dans un Ă©change vraiment consentant (si un partenaire consent Ă la domination, oĂč est le plaisir de la coercition, je vous le demande ?).
Câest donc bien une relation de type esclavagiste exercĂ©e quasi uniquement par des hommes.
Ă la question du sexe des putes (oui, il y a des hommes putes), on rappelle que les hommes putes sont aussi Ă lâusage quasi exclusif des hommes et quâils sont gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©s comme des gonzesses.
La prostitution est extrĂȘmement genrĂ©e parce quâelle consiste pratiquement uniquement en la domination des hommes. Pour sâen convaincre, il suffit dâinverser la proposition du sexe acheteur et tout de suite, on se rend compte que ça ne marche pas du tout : âșhttp://blog.monolecte.fr/post/2010/04/22/Des-putains-et-des-hommes