– D’abord, c’est Paul Verhoeven. Starship Trooper n’est pas son premier film « incompris ». Après quelques films très forts (mais pas très connus) en Hollande (je me souviens de Turkish Délices et Spetters, grosses baffes vues bien après leur sortie, parce que j’avais 3 ans quand même pour Turks Fruit), il est allé aux États-Unis faire des grosses productions. Et le clivage a été systématique entre ceux qui prenaient ses films pour des gros blockbusters décérébrés faits par un européens qui s’était vendu aux studios ricains, et ceux (dont j’étais avec les copains) qui pensaient qu’il faisait des films de genre à gros budget, en moquant systématiquement la société américaine (globalisée donc mondiale) et les médias. Tout de même : Robocop, Total Recall, quand même.
Starship Troopers est le film qui arrive après Showgirls, film déjà totalement rejeté, notamment parce qu’il arrive après l’énorme succès de Basic Instinct.
– SURTOUT : à l’époque, on a déjà l’interwebz. Ça me semble important. La question du seconde degré et des références au nazisme, lorsque le film sort en France, elle est déjà totalement tranchée sur le Web. Il suffit d’être connecté et de savoir lire. (Jean No cite le DVD, je me souviens aussi du commentaire audio. Mais ça c’est arrivé bien après ; tout était déjà dit sur le Web à la sortie du film.)
Du coup Starship Troopers, c’est le clivage entre les connectés (déjà tout de même vachement nombreux) qui sont prévenus, et le reste de la population, à commencer par les journalistes, qui continuent de balancer leurs jugements à deux balles et à alimenter les polémiques, alors qu’une bonne partie de leurs lecteurs considèrent que la question est déjà réglée depuis longtemps. La question de l’uniforme SS des héros, quand on a le Web à l’époque, c’est plus vraiment une question morale originale ou compliquée.
Le critique de cinéma qui, en 1997, n’a jamais entendu parler du second degré de Verhoeven, c’est vraiment quelqu’un qui se faisait un devoir de ne pas savoir utiliser un modem et de ne pas faire son boulot. Et comme on peut le lire dans certains extraits de Jean-No : ce sont ceux-là qui balançaient les jugements définitifs non seulement sur le film, mais sur ses spectateurs. Les mêmes reprenaient en cœur les velléités anti-internet de Val et Finkye.
Dans mon souvenir, Starship Trooper, c’est une de ces (nombreuses) situations où, dès 1997, du simple fait d’avoir un accès internet, tu constates avec sidération le fossé entre les gens connectés et les professionnels de la profession qui écrivent dans le journal et passent à la télé. (Pareil, évidemment, pour les politiciens et les experts médiatiques de tout crin – notamment les économistes.)