• Evgeny Morozov : « Internet est soumis à la loi du marché »
    http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/12/05/internet-est-soumis-a-la-loi-du-marche_3526014_651865.html

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    Nos #démocraties sont devenues des systèmes technocratiques dont la première ambition est de régler des problèmes. Une tendance au « #solutionnisme », la recherche de solutions comme seul horizon, traverse la plus grande partie des interventions politiques sur le numérique.

    Nos dirigeants en viennent à réfléchir comme le feraient des consultants. Ils ne pensent plus aux effets à long terme, car leur vision ne dépasse pas la durée de leur mandat. Prenons l’exemple de la collecte de données numériques lancée aux Etats-Unis, justifiée par la guerre contre le terrorisme. Le profil d’une personne est facile à établir grâce aux nouveaux instruments disponibles. Estimer le risque qu’elle représente pour la sécurité se fait aussi rapidement, de même que la désigner comme cible d’une opération. Des résultats peuvent ainsi être affichés dans la guerre à la terreur.

    Mais les causes du terrorisme ne sont pas abordées. Aux Etats-Unis, très peu de gens remarquent que l’usage de drones au Yémen contre les terroristes alimente le cycle de la terreur en créant des apprentis terroristes. Et donc, plutôt que de s’en prendre aux causes structurelles, on s’en tient uniquement aux symptômes. On se contente d’employer les #Big_Data pour neutraliser les personnes qui ne nous aiment pas.

    (...)

    [L]e #Freedom_Agenda a été défini par des gens venus des nouvelles technologies qui avaient participé à l’organisation de la campagne en ligne de Barack Obama et ne connaissaient rien à la politique internationale. Ils excellaient dans l’art de manier des clichés, comme la « diplomatie 2.0 », mais lorsqu’ils ont utilisé Twitter pour encourager les protestataires en Iran, ils ont fait perdre tout crédit à cette entreprise, car elle est apparue comme un outil de propagande américaine, et non plus comme un outil légitime de contestation.

    Trois ans plus tard, alors que les preuves de #cybersurveillance et #cyberattaque américaines s’accumulent, le département d’Etat ne peut plus se prétendre gardien des libertés en ligne. Croire que l’on s’apprêtait à fonder un nouveau pilier de la diplomatie américaine était illusoire. Comment prétendre que l’on va défendre les blogueurs dissidents dans un pays tel que le Yémen, proche allié des Etats-Unis ? Cela dénote une parfaite méconnaissance de la politique internationale, car il y a des intérêts bien plus importants à défendre dans cette région. Les apprentis diplomates ont très vite mis Washington dans l’embarras en alimentant le soupçon d’#hypocrisie qui pèse sur les Etats-Unis.

    (...)

    Personne ne nie que [L]es nouveaux outils numériques disposent d’un potentiel émancipateur. Ils peuvent servir à diffuser une information, documenter la violence policière ou organiser des manifestations. Mais pour le moment, ce potentiel émancipateur est une feuille de vigne masquant une sombre vérité : le secteur ne supporte pas l’intervention de l’Etat, car la Silicon Valley veille jalousement sur ses profits. Or, résumer l’innovation numérique à la poursuite de profits en réduit les capacités d’innovations politiques.