• Tentative de compréhension du cas des éditions Agone | Enoga http://enoga.wordpress.com/2013/12/01/tentative-de-comprehension-du-cas-des-editions-agone

    Pour sa nouvelle parution (n°31, automne 2013), la revue Réfractions a choisi de se confronter à un thème difficile mais oh combien important : les conflits. Au sommaire prometteur de ce numéro on pourra notamment lire une contribution d’Annick Stevens intitulée « Tentative de compréhension du cas des éditions Agone ».

    Vu l’actualité de ce texte, Réfractions a décidé de mettre en ligne cet article dès la parution du numéro.

    PDF, 12 pages : http://refractions.plusloin.org/IMG/pdf/agone.pdf

    • La leçon générale de ces événements pourrait être qu’il faut prévoir dès le départ une instance de #médiation, qui se tient à distance tant qu’elle n’est pas nécessaire, qui prend très au sérieux tout indice de problème grave, et dont on s’assure qu’elle partage bien les mêmes exigences politiques. Les libertaires ont souvent du mal à endosser ce rôle, parce qu’ils redoutent de devoir prendre parti pour un copain contre un autre. Or, le meilleur copain peut déconner, et il faut que quelqu’un l’arrête. Il faut désamorcer l’affectif en agissant non en tant que copain mais en tant qu’instance formelle.

      Et bien entendu il faut le faire le plus tôt possible dès l’apparition du conflit, car il est clair qu’après un certain temps d’accumulation de griefs réciproques, même si l’on parvenait à accorder les parties sur certaines résolutions, la perte de l’estime, voire l’aversion causée par les comportements incriminés, rendrait impossible toute collaboration. Il ne faut pas se forcer non plus à trouver des torts égaux des deux côtés : ce n’est pas ça l’impartialité. Celle-ci consiste à écouter les deux parties, vérifier et recouper les informations, rappeler ce qui est inacceptable par rapport aux principes et valeurs qui sont à la base de l’association. Encore faut-il, évidemment, que tous s’accordent sur l’attachement à ceux-ci par rapport à d’autres facteurs qui seraient jugés prépondérants

      Un ancien correcteur aboutit à peu près à la même conclusion :
      « Si on n’a pas su empêcher la grande gueule rassembleuse des débuts – qu’on défendit contre vents et marées, dont on supporta des défauts à la mesure de ses qualités, et dont personne ne rechigna jamais à reconnaître ce qu’il lui devait (mais il aurait fallu lui devoir tout, et lui rien aux autres) – de devenir un tyran, eh bien il faut l’admettre et se barrer, et puis en retenir la leçon et l’enseigner aux prochains tendres inadaptés prêts à se faire lessiver par les prochains patrons d’extrême gauche. »

      L’IMPORTANCE DES « DIFFICULTÉS OBJECTIVES »
      Le rôle de ce que nous avons appelé les « difficultés objectives » n’est pas pour autant à négliger. Il est évident en effet que, quels qu’aient été le poids et la prépondérance des problèmes relationnels dans l’éclatement du collectif, les divergences concernant les stratégies et choix éditoriaux ont constitué des murs sur lesquels revenaient systématiquement s’écraser les tentatives de résolution.

      Un argument peut-être plus important contre l’ #autogestion serait qu’elle ajoute à la pression concurrentielle de toute entreprise l’impossibilité pour les travailleurs de se défendre contre de mauvaises conditions de travail, du fait qu’ils sont leurs propres patrons et que c’est la survie de leur propre entreprise qui est en jeu.

      En outre, en cas de division dans le #collectif, il n’existe pas d’instance neutre intermédiaire, pas d’espace formel dévolu à la résolution du #conflit. Des éléments de réponse ont déjà été avancés dans le présent article : une certaine auto-exploitation peut être acceptée lucidement comme une part militante, tant qu’elle est partagée et au service des objectifs qu’on s’est fixés ; il est indispensable d’instituer l’instance de médiation dès la fondation de l’association et de veiller à ce qu’elle soit prête à intervenir

    • Edito du numéro (extrait) :

      Il s’agissait d’abord de savoir s’il était possible de définir une position singulière des anarchistes sur la question du conflit en général, et de leurs conflits en particulier. Il existe, chez plusieurs auteurs de la tradition anarchiste, une véritable pensée de l’antagonisme, pensée qui, sans toutefois être jamais exempte de tensions internes (encore heureux !), a pour point commun le refus d’une instance transcendante qui réglerait les litiges. Ce mode d’appréhension nous a semblé mériter d’être confronté avec d’autres, qu’il s’agisse de courants idéologiques ou d’autres cultures. Il s’agissait en outre de savoir dans quelle mesure les anarchistes ont pu penser et pratiquer des manières originales de résoudre ou de désamorcer des conflits, depuis les jurys d’honneur jusqu’aux groupes affinitaires, en passant par la pratique du consensus formel. Aucune de ces manières ne constitue une recette pour en finir avec la conflictualité. Elles sont bien plutôt l’indice que l’anarchisme se confronte véritablement aux antagonismes, y compris dans ce qu’ils peuvent avoir d’interminable ou d’insoluble.

      http://refractions.plusloin.org/spip.php?article772