• The Ambassador

    « Pour son nouveau rôle, Mads Brügger prévient d’emblée : » Je ne suis pas très bon diplomate, mais je suis bon en alcool « . Après la Corée du Nord, c’est donc dans l’ancienne colonie française, la République centrafricaine, que le reporter ( ?) a décidé de mener sa nouvelle enquête. Dans la peau d’un ambassadeur bling bling (costume blanc, cigare et lunettes d’aviateur), il a traversé le pays, rencontré les dirigeants locaux, déclarant un peu partout qu’il souhaitait ouvrir une manufacture d’allumettes –qui emploierait exclusivement des autochtones. Une couverture acquise sans grande difficulté par le journaliste :

     » J’ai trouvé un lien sur Internet vers une entreprise qui vend des titres de diplomates dans les pays du Tiers-monde à des occidentaux qui recherchent un peu de panache et de prestige " explique Mads Brügger dans une interview accordée au Danish Film Institute.

    Pendant des semaines, le danois a mené son entreprise fake, filmé par une petite équipe ou en caméra cachée. Mais son véritable objectif était d’investir les réseaux clandestins de trafic de diamants –un commerce juteux dans l’ancienne colonie française, livrée depuis son indépendance (1960) aux coups d’état à répétition et aux luttes rebelles. Si The Ambassador est présenté comme une comédie ( "pourquoi ne pas aller en Afrique, filmer des assassins en caméra cachée, juste pour le fun ?" s’interroge Mads Brügger), et joue à fond la carte du déguisement, le film n’en reste pas moins une enquête à charge dans un pays pourri par la corruption entretenue depuis Paris.

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    Le film est une critique violente contre le modèle postcolonial de la Françafrique, explique Mads Brügger. La République Centrafricaine pourrait être la Suisse de l’Afrique, ils ont tout : l’or, des diamants en grande quantité, le pétrole, le cobalt (…) Toutes ces ressources, nécessaires au développement du pays, sont utilisées pour lutter contre l’armée rebelle. Le Chef de la sécurité d’Etat m’a expliqué que l’aviation française envoie deux engins par jour survoler la zone pour pister les rebelles. Mais la France refuse de collaborer, de donner ses informations.

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    Un journalisme dévoyé ?

    Le réalisateur semble être allé très loin dans sa mission d’infiltration, frayant avec les politiciens ripoux et les trafiquants de diamants. Trop loin même selon le Danish Film Institute, qui pose la question des limites (déontologiques, morales) de ce journalisme next-gen –où le reporter et son avatar diplomate se confondent parfois. Au-delà de l’humour très grinçant du film (des scènes où Mads Brügger insiste un peu sur la satire du néo colon), c’est la position ambigüe du journaliste qui dérange.

    «  Précisément parce que je suis dans la peau d’un diplomate je peux rencontrer des propriétaires sinistres de mines de diamants (…). Pour un journaliste, ce serait beaucoup plus problématique » se défend Mads Brügger, dont le film, produit par la société Zentropa (propriété d’un autre agitateur danois, Lars Von Trier), sortira en octobre prochain au Danemark. Pas sûr qu’il trouve un distributeur français ."

    http://www.lesinrocks.com/2011/08/11/cinema/the-ambassador-une-satire-trash-de-la-francafrique-1111183