Monolecte đŸ˜·đŸ€Ź

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • La stupiditĂ© du mal | Rumeur d’espace
    ▻http://rumeurdespace.wordpress.com/2013/12/26/la-stupidite-du-mal

    un exemple, tirĂ© des Journaux de guerre de Ernst JĂŒnger. Celui-ci s’était rendu chez des paysans de PomĂ©ranie, qui avaient reçu des prisonniers russes pour les faire travailler dans leurs champs. Ils sortaient des camps. Un paysan dit Ă  JĂŒnger : « On voit bien que ce sont des sous-hommes – ils se comportent comme du bĂ©tail ! Il n’y a qu’à voir : ils prennent la pĂątĂ©e des chiens pour la bouffer. » JĂŒnger remarque Ă  propos de cette histoire : « Il semble parfois que le peuple allemand soit montĂ© par le diable ». Mais, dit Arendt, ce n’est pas qu’il attribue une sorte de caractĂšre dĂ©moniaque Ă  ces gens ou Ă  ce peuple, mais simplement qu’il est rĂ©voltĂ© par la bĂȘtise manifestĂ©e dans ces propos. « L’homme ne voit pas que ceux qui se comportent de cette maniĂšre sont affamĂ©s, et que chacun peut en faire autant. Mais cette bĂȘtise a quelque chose de vraiment rĂ©voltant
 Eichmann Ă©tait tout Ă  fait intelligent, mais il avait cette bĂȘtise en partage. C’est cette bĂȘtise qui Ă©tait si rĂ©voltante. Et c’est prĂ©cisĂ©ment ce que j’ai voulu dire par le terme de banalitĂ©. Il n’y a lĂ  aucune profondeur, rien de dĂ©moniaque. Il s’agit simplement du refus de se reprĂ©senter ce qu’il en est vĂ©ritablement de l’autre ». Ceci est Ă©clairant. Je suis toutefois frappĂ© par l’insistance d’Arendt Ă  dire que « Eichmann Ă©tait tout Ă  fait intelligent », comme si on pouvait ĂȘtre intelligent et stupide en mĂȘme temps. Il serait certes plus simple de dire qu’Eichmann Ă©tait tout simplement
 bĂȘte, ce qu’il Ă©tait d’ailleurs, trĂšs probablement. Pourquoi donc ce « intelligent » ? Sans doute Arendt a-t-elle voulu employer ce mot dans un sens trĂšs gĂ©nĂ©ral, celui oĂč, biologiquement parlant, on parle « d’ĂȘtres intelligents » pour dĂ©signer celles parmi les espĂšces, qui ont une certaine autonomie de comportement, voire qui possĂšdent le langage et la possibilitĂ© de rĂ©flexion. Elle veut sĂ»rement dire qu’il n’était pas privĂ© des principales capacitĂ©s qui font de l’humain un ĂȘtre capable de penser : il savait Ă©videmment lire, Ă©crire, compter et comprenait les ordres qu’on lui donnait. En parlant de bĂȘtise, elle fait donc rĂ©fĂ©rence, en nĂ©gatif, Ă  une autre sorte d’intelligence, dont Eichmann, et hĂ©las beaucoup de ses contemporains et de nos contemporains semblent dĂ©pourvus. Celle qui rĂ©side dans la possibilitĂ© de se reprĂ©senter « ce qu’il en est vĂ©ritablement de l’autre ». Les humains naissent avec une qualitĂ© qui est trĂšs tĂŽt repĂ©rĂ©e chez les bĂ©bĂ©s : l’empathie.