Peut-il y avoir des chefs bienfaisants ? | Mediapart
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Et il cite le Sartre de Critique de la raison dialectique (1960) : « Chacun se sent et sent tous les autres comme des leaders possibles mais personne ne prétend à la souveraineté sur les autres. Chacun est capable d’exprimer le sentiment du groupe au cœur de l’action comme une aide aux objectifs du groupe. »
MEDIAPART : Comment entendez-vous ces deux phrases de Jean-Paul Sartre ?
ROBERT DAMIEN, auteur du #livre Éloge de l’#autorité. Généalogie d’une (dé)raison politique (Armand Colin) : Sartre veut dire que ce qui commande, c’est l’équipe ; elle fait chacun s’élever au-dessus de lui-même ; et chacun peut prétendre exprimer le tout qu’est l’équipe. Chacun, étant l’égal de l’autre, a la capacité d’exprimer le “nous” au moment décisif les décisions qui devront être prises. Mais par-delà cette ossature constitutionnelle, il y a des moments où la décision exige d’être formulée, pensée, ordonnée. Elle oblige à une incarnation. Le problème avec Sartre, c’est sa difficulté à penser le chef d’équipe.
Il y a un moment de souveraineté, assumé par un(e). La question devient ensuite celle de la légitimité durable, non pas d’un chef momentané, mais qui s’inscrit dans une continuité judicieuse.
Sartre demeure à mes yeux le seul philosophe d’envergure qui ait réfléchi sur l’équipe comme moteur et matrice de l’autorité. Sartre, à la fois théoricien et praticien du libre arbitre, cherchait à intégrer le marxisme, c’est-à-dire les contraintes socio-économiques et politiques qui déterminent et les situations et les libertés.
La patrie c’est le “nous” qui nous fait citoyen, ce par quoi nous acquérons une identité littéraire, culturelle, intellectuelle. La #patrie me semble démocratique, puisque c’est le cadre dans lequel s’exerce la question qui permet de demander des comptes. Dans la #nation, il y a l’idée de naissance : elle est inscrite dans une forme de nature. Et sur la nation pèse le risque d’un nationalisme, tandis que la patrie est le cadre démocratique par excellence.
Nous nous confrontons à cela en ces temps de révolution informatique, donc du langage numérique, par définition pluralisé mais sous hégémonie américaine : comment trouver une expression à nos appartenances qui s’y intègre ? Comment exprimer une forme particulière de l’universel et par la même une confrontation avec la pluralité même de ces universalités ? Le grand penseur de demain, donc de la pluralité des universels, m’apparaît Gaston Bachelard, qui a pensé la normativité – autre nom de l’autorité – dans la pluralité des axiomes, des appartenances, des dualités – ce qu’il appelle le birationalisme, ou le plurirationalisme… Il a joué avec humour le prophète barbu, alors qu’il se confrontait aux deux grandes machines conceptuelles de l’époque : la phénoménologie et le marxisme.
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