• Pourquoi la Crimée a-t-elle un statut à part en Ukraine ?
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    Depuis la destitution, samedi 22 février, du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, tous les regards se tournent vers la Crimée, péninsule multiethnique de 2 millions d’habitants au statut de république autonome. Jeudi 27 février, une centaine d’hommes armés ont envahi le bâtiment du Parlement de Crimée, tandis que des forces prorusses prenaient possession des deux principaux aéroports de la région, posant la question d’une éventuelle sécession de la péninsule.

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    Un statut politique autonome

    La République autonome de Crimée jouit d’un statut spécifique en Ukraine depuis l’indépendance du pays en 1991. Si le Parlement régional de Crimée n’a pas le pouvoir d’initier des lois, la Crimée est autonome sur le plan budgétaire. Surtout, elle dispose de sa propre Constitution : celle-ci, qui a fait l’objet de nombreux allers-retours entre Kiev et Simferopol entre 1992 et 1998, est finalement entrée en vigueur en 1999. Mais ce texte de compromis est critiqué par les autonomistes de Crimée qui demandent un retour à la Constitution de 1992.

    Par ailleurs, Sébastopol bénéficie d’un statut spécial au sein de la Crimée : une ville autonome dans une région autonome. Le maire de Sébastopol n’est d’ailleurs pas élu, mais désigné par les autorités de Kiev. Economiquement et culturellement, l’emprise russe est très forte sur Sébastopol et l’économie de la ville tourne majoritairement autour de la base navale.

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    Un rattachement à l’Ukraine récent

    La Crimée n’est rattachée à l’Ukraine que depuis soixante ans. Cette péninsule bordée par la mer Noire a été occupée au fil des siècles par les Grecs, la république de Gênes, l’empire Ottoman, la Pologne... A la fin du XVIIIe siècle, la Russie de Catherine II prend la Crimée et en fait le point de départ d’une stratégie de conquête des mers chaudes. Pour mettre fin aux ambitions expansionnistes russes, l’empire Ottoman soutenu par la France de Napoléon III, la Grande-Bretagne et le royaume de Sardaigne, réattaque la péninsule en 1853 : c’est la guerre de Crimée, la première guerre moderne et photographiée de l’histoire, qui culmine avec le siège de Sébastopol. Le conflit, très meurtrier - 750 000 hommes y périssent en trois ans - se solde par une défaite et la fin des rêves de conquête russes mais la Crimée reste sous le contrôle de Moscou.

    Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la péninsule, avec son bord de mer et son climat doux, devient une terre de villégiature pour l’aristocratie russe, qui y établit ses résidences d’été. Pendant la guerre civile russe, cette zone « blanche » est le point de passage obligé de nombreux Russes antibolchéviques, candidats à l’exil.

    En 1954, Nikita Khrouchtchev, lui-même d’origine ukrainienne, cède la Crimée à l’Ukraine, pour fêter le tricentenaire du traité de Pereïaslav, par lequel les cosaques d’Ukraine avaient proclamé leur allégeance à Moscou. Mais cette cession de la Crimée est essentiellement symbolique et administrative car l’Ukraine à ce moment n’a aucune autonomie. Ce n’est qu’en 1991, quand l’URSS se disloque, que les conséquences du « don » de Khrouchtchev se font sentir : la Crimée se retrouve alors soumise à l’autorité de Kiev, avec laquelle elle a peu d’histoire commune. Le pouvoir central ukrainien décide finalement en 1992 d’accorder un statut de république autonome à la péninsule, au prix de vives tensions......

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