• C’est une chose des plus importantes dans la guerre, que pouvoir pénétrer dans les desseins des ennemis, et de savoir leurs allées et venues ; parce que, par ce moyen, on évite mille fâcheuses rencontres, et on met ordre à mille surprises, comme aussi on trouve mille moyens pour leur nuire. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir de bons et fidèles Espions, lesquels le Capitaine doit gagner à force d’argent, et de récompenses, afin de les engager, et les allécher par l’intérêt à s’exposer à toutes sortes de dangers, et faire l’impossible pour savoir les entreprises des Ennemis, et pour venir, sans perdre temps, donner avis de toutes choses.
    Le Capitaine ne saurait avoir de meilleurs, ni de plus fidèles #Espions, que ceux de ces gens, lesquels feignant adroitement d’être dégoutez de son service, voudraient s’aller rendre aux Ennemis, et faire en sorte de se mettre dans leur Cavalerie, parce qu’étant Cavaliers, ils auront plus de commodités de donner des avis, soit qu’ils fussent en campagne, soit qu’ils fussent en garnison. Mais de ceux-ci il serait nécessaire d’en avoir en divers régiments, et en diverses garnisons des Ennemis, sans qu’ils se connussent entr’eux, avec lesquels il serait d’accord, et serait convenu du lieu auquel ils devraient porter leurs lettres d’amis, comme sous quelque pierre, au pied de certain arbre, ou auprès de quelque Croix, ou de quelque autres lieux remarquables, et faciles à trouver. Mais ces Espions doivent être obligés de porter eux-mêmes les avis de grande importance, comme des desseins qu’auraient les Ennemis de surprendre quelque place, ou d’enlever quelque quartier, et de semblables entreprises.
    Le Capitaine pourra encore se servir de quelques soldats déguisés en païsan, ou de quelque autre manière, lequel parlant la langue du païs, ou celle des Ennemis, ira, sous quelque prétexte, dans leur camp, ou dans leur quartier, pour reconnaître leur poste, avec toutes les circonstances, et pour s’instruire de ce que les Ennemis font, pour de toutes choses, en venir donner avis. Il pourra aussi se servir des païsans, parce qu’ils ont la liberté d’aller partout, étans peu suspects aux ennemis, et moins observés d’eux, principalement en païs conquis, où ils ont la liberté d’entrer dans le camp des Ennemis, et dans toutes leurs places, de marcher même la nuit ; et ainsi ils peuvent facilement porter des nouvelles, et donner de bons avis. (…) Il pourra aussi se servir d’Espions doubles, mais il faut que ceux-ci soient des personnes qui lui soient très fidèles, … Le Capitaine doit aussi prudemment se précautionner contre les Espions doubles des Ennemis : … alors il doit retenir les Espions, sous couleur de les caresser, et de vouloir les récompenser, et cependant il donnera ordre à ces domestiques de faire caresse à ces Espions, et toutefois prendre garde qu’ils n’échappent, sans pourtant que les Espions connaissent qu’on se défie d’eux, … »

    Birac, De, Les fonctions du capitaine de cavalerie, et les principales de ses officiers subalternes, Paris, G. Quinet, 1669.

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