• Article11 - « Jusqu’à ce qu’on nous foute la paix ! » - Un récit des luttes autonomes au Pays basque dans les années 1980 - Damien Almar
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    Dans ce nouveau contexte culturel, quel rôle joue l’euskara – la langue basque ?

    « La revitalisation de l’#euskara accompagne celle d’une culture méprisée et interdite pendant quarante ans. La création d’une langue basque unifiée, le batua, apprise dans les écoles, permet de passer de 10 à 40 % de locuteurs. C’est essentiel : on sort d’une époque où quasiment plus personne ne parlait basque et où même les revendications des tracts étaient rédigées en castillan ou dans un basque approximatif. En plus des structures indépendantistes basques, les nombreux #squats ruraux jouent alors un rôle essentiel dans la #réappropriation de la culture.

    Auparavant, les indépendantistes hurlaient à la Guardia Civil : ’’Dehors, l’armée d’occupation !’’ Qu’à cela ne tienne : une police basque, l’Ertzaintza, est créée en 1982. Le progrès est contestable, c’est surtout l’occasion d’être torturé dans sa propre langue... À ce petit jeu, le Parti nationaliste basque (PNV), bourgeois, catholique et raciste, parvient à tirer ses marrons du feu : une partie des effectifs de l’Ertzaintza est recrutée parmi son service d’ordre. Ce qui n’empêchera pas sa section anti-émeute de connaître quelques déboires. Au printemps 1987, lors du cinquantenaire du bombardement de Guernica, tout le milieu du rock basque se retrouve ainsi sur la place centrale de la ville. Lorsque les punks de Kortatu montent sur scène, l’Ertzaintza tire des balles en caoutchouc sur le public. Mais ce dernier se défend, avant de poursuivre les uniformes sur plusieurs kilomètres. »

    Les #luttes se développent également à la campagne ?

    « Bien sûr. Avec des épisodes très intéressants, à l’image de la lutte victorieuse contre un projet de centrale nucléaire à Lemoiz, près de Guernica. Le mouvement est fédérateur, puisqu’une manifestation de masse réunit plus de 200 000 personnes en 1984. Surtout, c’est une lutte exemplaire dans la coordination des différentes composantes armées. Alors qu’ETA (m) flingue (après avertissement) les ingénieurs ou pose des bombes sur les chantiers de l’usine, les dockers d’Euskalduna refusent de décharger le matériel. Les sous-traitants sont quant à eux la cible d’ETA (p-m) et des CAA. La mobilisation massive et les actions de sabotage provoquent finalement l’abandon du projet, en octobre 1984.

    De nombreuses autres batailles écologistes du même acabit ont lieu à l’époque, dont celle menée contre un projet d’autoroute dans la vallée du Leizaran entre 1985 et 1989. Mais elles conservent un goût d’inachevé. En effet, ces victoires à la Pyrrhus provoquent la création de mouvements écologistes officiels, avec des plate-formes et un fonctionnement centralisé. À partir de 1982, la multiplication des échelons bureaucratiques permet la récupération de nombreux mouvements de contestation et de leurs leaders, préfigurant le modèle des ONG. »

    Quels liens y a-t-il entre les #Pays_Basque espagnol et français ?

    « À cette période, un proverbe caractérise ainsi les habitants d’Iparralde : ’’Ils votent à droite la journée ; ils planquent les réfugiés la nuit.’’ Le Pays basque nord est à l’époque la base arrière des organisations armées basques.
    Les villes côtières, à l’exception de Saint-Jean-de-Luz, ne sont pas aussi bourgeoises qu’aujourd’hui. Biarritz est alors une agglomération pleine de contradictions, où riches et prolétaires se côtoient, tandis que Bayonne est vraiment une ville de pauvres. En campagne, la #paysannerie locale connaît des difficultés, mais il reste possible d’y vivre de peu, à condition d’être accepté par les habitants. Ce n’était pas encore Etorki et le vin d’Irulegi !

    La naissance de groupes autonomes, dans le sillage de ceux du Sud, naît de ce contexte social difficile et de la forte présence des réfugiés sur la côte, à Hendaye, Anglet, Bayonne et Bidart. Le collectif Laguntza, centré autour d’un squat de Bayonne, fait par exemple vivre la revue Kalimotxo. Lors des fêtes de soutien aux #prisonniers et aux réfugiés qu’il organise, des cars entiers se déplacent depuis Hegoalde. Un autre groupe de jeunes, nommé Patxa, ouvre de nombreux squats et gaxtetxe.

    https://www.youtube.com/watch?v=TyJK4zLx1u8