Pierre Coutil

de celles et ceux qui marchent avec… (enfin qu’essayent).

  • Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? (Questions de classes)
    http://www.questionsdeclasses.org/?Pourquoi-brule-t-on-des,1314

    Entre 1996 et 2013, 70 bibliothèques ont été incendiées, toutes dans des quartiers populaires. C’est la découverte, un peu par hasard, de cette statistique oubliée qui a conduit Denis Merklen à soulever la question placée en couverture de son ouvrage Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? Mais, derrière ce questionnement inaugural, c’est aussi une autre interrogation qu’il nous invite à explorer : pourquoi cette volonté de faire silence autour de ces incendies et comment parvenir à entendre ce qu’ils auraient à nous dire ?
    […]
    Quant aux bibliothèques, elles s’érigent telles des emblèmes dans des territoires où les personnels, y compris ceux qui y habitent, se définissent comme des « intervenants ». Symboles assumés et revendiqués de l’action politique et sociale, les bibliothèques se refusent pourtant à se penser en terme politique, c’est-à-dire comme des espaces traversés eux-aussi par des conflits.
    […]
    Pourquoi et comment la sincère ambition émancipatrice revendiquée par les bibliothécaires se heurte-t-elle à ces résistances ? Là encore, c’est autour des pratiques de lecture, autour du livre - « objet de l’individu, individualiste et individualisant » - que les choses semblent se jouer, dans l’opposition entre l’individu et le collectif, le « dedans » et le « dehors », les élites et les dominés, le pouvoir et la révolte.
    […]
    Dans le combat contre la culture marchande, note Denis Merklen, les bibliothèques, même relookées en médiathèques, sont en position de faiblesse. Si leur disparition ne pourrait d’ailleurs que renforcer leur adversaire et accentuer les conflits, à l’origine des incendies, « elles n’ont d’autre choix, note-t-il, que de se rapprocher des classes populaires pour agir avec elles » non plus en « donnant accès » ou en « important » une culture extérieure mais en travaillant les pratiques culturelles du quartier et en dépassant l’action désocialisante qui sépare l’individu du groupe par une mise en avant, par exemple, des pratiques collectives de la lecture ou en transformant une politique de consommation culturelle en politique de production.

    Se pose alors la question de la place des contestations de la langue et de la culture légitime par une reconnaissance d’une culture des quartiers, d’un savoir à la fois populaire et savant, dont l’existence est avérée par un certain nombre de productions passées en revue par l’auteur. Une vitalité, souvent explosive, qui témoigne incontestablement d’une aspiration à se constituer en force collective et qui invite à transformer les bibliothèques en véritables institutions de la culture populaire.

    #éducation #bibliothèque #médiathèque #lecture