GĂ©opolitique du capitalisme criminel. J-F GAYRAUD - Transversaux
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Jean-François Gayraud : Pour comprendre ce qui sâest produit en 2008 avec la crise des subprimes, il faut dâabord diagnostiquer le contexte global. Quel est-il ? Le capitalisme sâest profondĂ©ment rĂ© agencĂ© Ă partir des annĂ©es 1980, aux Etats-Unis et ailleurs, Ă partir dâune doxa nĂ©o libĂ©rale. Le nouveau visage du capitalisme comporte depuis des dynamiques et des vulnĂ©rabilitĂ©s aux comportements criminels particuliĂšrement fortes. Ce capitalisme est devenu excessivement dĂ©rĂ©gulĂ©, mondialisĂ© et financiarisĂ©. Ces trois caractĂ©ristiques font que ce capitalisme est dĂ©sormais criminogĂšne : il recĂšle des incitations et des opportunitĂ©s aux fraudes dâune intensitĂ© nouvelle. La crise financiĂšre sâest dĂ©clenchĂ©e aux Etats-Unis Ă partir dâun petit secteur financier : le marchĂ© de lâimmobilier hypothĂ©caire. La bulle immobiliĂšre fut en partie gonflĂ©e par des pratiques de crĂ©dit totalement frauduleuses ; des centaines de milliers de prĂȘts furent perclus dâinfractions toutes simples : faux en Ă©criture, abus de confiance, escroqueries, abus de faiblesse, etc. Par le biais du mĂ©canisme de la titrisation et dâagences de notation complaisantes ou franchement malhonnĂȘtes, ces fraudes se sont retrouvĂ©es dans les fameux « produits financiers innovants » vendus sans devoir de prĂ©caution et de conseil sur les marchĂ©s Ă Wall Street. La bulle boursiĂšre sâest ainsi Ă son tour formĂ©e Ă partir de vĂ©ritables fraudes. Câest pourquoi la crise des subprimes peut ĂȘtre rebaptisĂ©e sans exagĂ©ration de crise des subcrimes . Lâanalyse criminologique que je propose ne relĂšve donc pas de la mĂ©taphore facile par laquelle « fraude » serait simplement le synonyme de « prĂ©dation ». Il sâagit de vrais crimes, mais qui nâont pas reçu de dĂ©cantations judiciaires sĂ©rieuses ! Dâailleurs, le rapport de la grande commission dâenquĂȘte du SĂ©nat des Etats-Unis (FCIC) qui est venu ensuite autopsier cette crise utilise le mot « fraude » 147 fois ! Est-ce vraiment un hasard ? Jâai analysĂ© la crise des subprimes sous cet Ă©clairage criminologique dans La grande fraude (Odile Jacob) en 2011. Et je me livre dans Le nouveau capitalisme criminel (Odile Jacob, 2014) Ă un exercice similaire pour dâautres crises financiĂšres issues de la dĂ©rĂ©gulation : Japon, Mexique, Albanie, etc.