Les #fourmis moissonneuses redessinent la steppe de Crau
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Précautionneusement, le chercheur soulève un galet. Le temps d’entrevoir, dans la cavité de terre rouge, une grappe de fourmis aux mandibules chargées de minuscules œufs laiteux. L’homme referme la cache, tout sourire. La greffe a pris ! Trois ans après la réintroduction de près de deux cents reines fécondées, la moitié des nids ont survécu. Dans quelques années, chacun comptera entre 8 000 et 20 000 ouvrières, dont la mission sera d’aider au retour de la végétation originelle. « Une première, encore tentée nulle part ailleurs », dit Thierry Dutoit, directeur de recherche à l’Institut méditerranéen de biologie et d’écologie (IMBE, CNRS, Universités d’Aix-Marseille et d’Avignon, IRD).
C’est la tâche assignée aux fourmis moissonneuses (Messor barbarus), dont 169 reines ont été disséminées sur le site, à l’automne 2011, dans des niches obturées par un galet les préservant des prédateurs et régulant la température du nid. Il s’agit, cette fois, d’ingénierie écologique, consistant à « agir pour et par la biodiversité », explique le biologiste : « Plutôt que de faire appel aux ingénieurs des Mines ou des Ponts-et-Chaussées, utilisons les ingénieurs des écosystèmes ! »
Ces insectes granivores, qui peuvent parcourir près de 40 mètres, plusieurs fois par jour, pour chercher leur subsistance et nourrir la colonie, laissent en effet en chemin des graines, qui s’accumulent aussi dans les greniers et les dépotoirs des fourmilières. On y trouve notamment les germes des plantes annuelles propres à la steppe. Ce qui laisse espérer que, d’ici quelques années, les coussouls de la Crau commenceront à recouvrer leur physionomie ancestrale.
« La nature, très résiliente, n’a pas besoin de l’homme pour se régénérer spontanément, commente Thierry Dutoit. Mais il n’est pas sûr que, d’elle-même, elle redeviendrait, ici, la steppe née d’interactions millénaires. Nous lui donnons alors juste un coup de pouce. »