Il faut à tout ce monde un grand coup de fouet. Mouvements sociaux et crise politique dans l’Europe médiévale
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Il faut également revenir sur les luttes sociales du Moyen Âge parce qu’elles écrivirent un nouveau chapitre dans l’histoire de l’émancipation. À leur apogée, elles revendiquèrent un ordre social égalitaire fondé sur le partage de la richesse et le refus des hiérarchies et du pouvoir autoritaire. Elles devaient rester des utopies. En lieu de royaume céleste, que prophétisaient les prédicateurs hérétiques et millénaristes, la disparition du féodalisme céda la place à la maladie, la guerre, la famine et la mort – les quatre cavaliers de l’Apocalypse tels qu’ils sont représentés dans la célèbre gravure d’Albrecht Dürer, hérauts véritables de la nouvelle époque capitaliste. Il faut néanmoins prendre les tentatives que fit le prolétariat médiéval pour « renverser le monde » au sérieux, car malgré leur échec, elles mirent en crise le système féodal et, en leur temps, elles furent « authentiquement révolutionnaires », car elles n’auraient pu vaincre sans « un remaniement total de l’ordre social ». Lire la « transition » du point de vue de la lutte antiféodale du Moyen Âge nous permet aussi de reconstituer les dynamiques sociales sous-jacentes aux enclosures en Angleterre et à la conquête des Amériques. Par cette lecture, nous pouvons surtout faire ressortir quelques-unes des raisons pour lesquelles l’extermination des « sorcières » et l’extension de l’emprise de l’État sur tous les aspects de la reproduction devinrent aux XVIe et XVIIe siècles les pierres angulaires de l’accumulation primitive.