Paulo

a principalement passé entre les gouttes

  • Européennes : article inédit.( Je lui prête ma page.)

    Bruno Gaccio – Isabelle Maurer : un nouveau couple entre en politique

    Le 25 novembre dernier, le parti politique Nouvelle Donne était créé par Bruno Gaccio, auteur historique des Guignols et producteur à Canal plus, Pierre Larrouturou, économiste, Isabelle Maurer, la chômeuse mulhousienne qui avait tenu tête à Jean-François Copé lors de l’émission de David Pujadas « Des paroles et des actes » un mois plus tôt, Patrice Pelloux, médecin urgentiste, Suzan George, présidente d’honneur d’ATTAC France, et Christiane Hessel-Chabry, veuve de Stéphane Hessel.

    Depuis lors, Nouvelle Donne s’est lancé dans la course aux Européennes. Le site internet du parti avait annoncé la présence de Bruno Gaccio lors d’un meeting à Dijon, le vendredi 16 mai, dans la circonscription d’Isabelle Maurer, tête de liste pour le Grand Est. Qu’est-ce que ces deux-là pouvaient bien avoir à faire ensemble ? Lui, le type de Canal, le branché-germanopratin, avec un bureau grand comme une salle de conf, décoré de peintures contemporaines et d’une vraie baignoire qui s’éclaire - pour réfléchir tout en prenant son bain - et elle, qui survit avec le RSA, habite dans un minuscule logement social de la cité la plus déshéritée de Mulhouse, passe son temps à se bagarrer contre la pauvreté et à aider ceux qui sont encore plus démunis qu’elle.

    Gaccio est bien là pour ouvrir le meeting, avec sa belle gueule et son costume impeccable ce vendredi 16 mai, à la salle polyvalente du quartier des Grésilles, des barres HLM à perte de vue et 40% de chômage. On se demande comment il va s’y prendre devant quelques 250 curieux venus pour le voir lui, l’homme de la télé, le papa des Guignols. Un trentenaire en anorak fripé, l’air intimidé, prend son courage à deux mains, se plante sous son nez et lui dit : « Vous savez, Monsieur Gaccio, moi j’ai grandi avec les Guignols, je les loupais jamais ! ». Gaccio sourit, lui serre la main, monte sur la scène. On est presque mal à l’aise. Derrière la tribune de fortune, décorée d’un autocollant « Nouvelle Donne » de traviole, il regarde ces gens, se lance. Il n’est pas candidat, il dit pourquoi il a fait le choix de s’engager en politique pour la première fois, à 55 ans : « Il faut que les gens aillent voter et ils ne le feront que pour une nouvelle donne, ils en ont marre des promesses non tenues des vieux briscards. Nous, nous sommes des débutants, nous bossons, aujourd’hui notre programme propose des solutions concrètes pour créer de l’emploi, parce que c’est ça l’urgence. C’est qu’une première étape, nous travaillons sur tous les autres aspects de la vie quotidienne : les questions sociales, culturelles, l’éducation, la santé, l’environnement, … On crée une alternative aux partis auxquels plus personne ne croît ... » Quelqu’un dans la salle lui demande ce qu’il est venu faire dans cette galère, il répond : « Tout le paysage politique s’est déplacé sur la droite et moi, sans bouger, je me suis retrouvé à gauche ! Alors à un moment, il faut regarder les choses en face. Ce n’est rien d’autre qu’un engagement citoyen. »
    En quelques phrases, il trouve le ton qui fait marrer, réussit à capter l’attention, à émouvoir. Il s’approche d’Isabelle Maurer, la prend par la main et lui dit : « Je sais que tu peux mener ce combat et te battre pour mettre en place les conditions du bien-être de tous et pas seulement des 1% les plus riches. Tu es la meilleure pour défendre tout ça parce que tu vis la pauvreté dans ta chair, tu sais de quoi tu parles. » La petite bonne femme d’1mètre 43 se lance à son tour ; il s’assoit juste derrière elle, la couve du regard. La connivence était inattendue, elle est palpable : « Est-ce qu’on regarde faire les politiques ou est-ce qu’on se retrousse les manches ? La croissance, la décroissance, on s’en fiche du sens, ce qui compte, c’est le bon sens. » La salle est conquise, leur duo fonctionne.
    Deux jours plus tard, dimanche 18 mai sur la place de la République, il fait très chaud. 2000 personnes massées autour de la scène de Nouvelle Donne qui a décidé de faire du bruit pour la dernière semaine de campagne. Le scrutin européen, a priori, n’intéresse pas grand monde. Les personnalités du parti se succèdent, c’est la dernière ligne droite, ils donnent tout. Après le meeting, au milieu des badauds venus le rencontrer « en vrai », Gaccio est comme un poisson dans l’eau. Il aime ça et ça se voit. Il écoute, attentif, ce que ces inconnus lui confient, et c’est toujours leur détresse de se sentir quantité négligeable, invisibles aux yeux des dirigeants politiques. Un verre de bière dans une main et une cigarette électronique dans l’autre, il lâche : « Je fais tout ça parce que j’aime ce pays où le Mickey à Eurodisney peut se mettre en grève et gueuler parce qu’il en a marre d’être exploité. Quand j’ai accompagné mon fils là-bas, j’ai vu, à l’écart de la parade, planqués derrière les chiottes, Tic et Tac qui avaient enlevé la tête de leurs déguisements. Les deux jeunes mecs étaient en sueur et se fumaient une clope. Ils ont flippé que quelqu’un les voie et je leur ai demandé de m’expliquer . Ils m’ont répondu : « T’as pas idée c’qu’on galère ! ».
    On n’a pas le choix qu’entre une solution et la même. Il ne faut pas croire ça. Tout est possible. »
    Et il se livre : « J’ai lutté toute ma vie pour m’extraire de là d’où je viens, ma cité HLM de Saint-Etienne. Mon père était un maçon immigré, il me gueulait dessus en italien ; ma mère était ouvrière dans une papeterie, elle a laissé plusieurs doigts dans les machines ! Ado, j’ai déconné, j’ai dealé, puis j’ai foncé, je m’en suis sorti par la passion et la rage. »
    Bruno Gaccio et Isabelle Maurer ont la passion.

    Julia P.B