• Maladie de #Lyme : pourquoi nous sommes tous menacés | Thierry Souccar Editions
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    Je rentre de Strasbourg où se tenaient les Journées sur les maladies vectorielles à tiques, organisées par la formidable équipe de Lyme sans Frontières. Il y a été question pendant 3 jours de la maladie de Lyme et des infections associées. Vous haussez les épaules ? Je peux comprendre. C’est une maladie méconnue du public, sous-estimée des autorités sanitaires, mal diagnostiquée et mal traitée. Mais une menace absolue pour nous, nos enfants, l’humanité, et je pèse mes mots.

    Il y a cinq ans, je ne savais que peu de choses sur Lyme. C’était une entité abstraite, improbable et marginale. Puis Judith Albertat, la courageuse présidente de Lyme sans Frontières, nous a fait l’honneur de nous soumettre son manuscrit pour publication. C’est l’histoire de l’énigmatique descente aux enfers d’une femme pleine de vie, qui dépérit sous l’œil tour à tour interloqué et indifférent des médecins qu’elle consulte. « C’est dans votre tête », s’entend-elle dire un jour. Avant qu’enfin un diagnostic soit posé : maladie de Lyme.

    Lyme est une maladie infectieuse transmise lors des morsures de tiques : une grande partie d’entre elles abrite des bactéries pathogènes appelées Borrelia, et bien d’autres encore. Ces tiques sont minuscules, si bien qu’on ne les voit pas toujours lors d’une promenade en campagne ou en forêt. Elles sont capables de franchir des distances de plusieurs mètres pour venir piquer un mollet, se laisser tomber sur un crâne découvert ou glisser dans un T-shirt.

    Les Borrelia bénéficient, pour infecter l’homme, d’un incroyable concours de circonstances. Primo, on ne sait pas diagnostiquer la maladie par des tests fiables contrairement à ce que clament les autorités sanitaires. Le test ELISA, supposé référent, passe à côté de la moitié des cas. Les patients repartent faussement rassurés. Ensuite, Lyme mime à peu près tous les symptômes et toutes les maladies connues. Vous vous plaignez de fatigue chronique ? Il y a des chances que ce soit Lyme. Vous avez des fasciculations (tressautements) à la paupière ou dans d’autres parties du corps ? Possiblement Lyme. Fibromyalgie ? Polyarthrite ? Troubles de la concentration ou de la mémoire ? Peut-être et encore Lyme. Même un diagnostic de sclérose en plaques doit y faire regarder à deux fois. Richard Horowitz, dont nous avons publié le livre magistral, nous disait samedi soir que, dans sa pratique, la plupart des soi-disant cas de sclérose en plaques sont en réalité des Lyme ! La panoplie des masques de Lyme donne le vertige : une étude récente relie la maladie d’Alzheimer à la piste infectieuse, dont les Borrelia.

    A Strasbourg, les médecins et les chercheurs valeureux comme Eva Sapi se sont succédé pour faire le point sur les traitements. Mais on quitte le congrès avec un immense sentiment d’impuissance. Les antibiotiques soulagent, améliorent, mais ne guérissent peut-être pas totalement le Lyme chronique (ce que les autorités sanitaires persistent à appeler « syndrome post-Lyme »). Car les Borrelia sont passées maîtresses dans l’art du camouflage et de la survie. Face à une agression par les antibiotiques ou le système immunitaire, elles sont capables de changer de forme, se cacher au fond des cellules ou derrière des biofilms pour se réveiller brutalement lors d’une baisse de l’immunité. Voilà pourquoi les patients qui ont des symptômes de Lyme ne devraient jamais prendre de corticostéroïdes et d’autres médicaments qui affaiblissent l’immunité.

    Aujourd’hui, ce sont probablement des millions d’Européens et d’Américains qui sont infectés sans le savoir. On signale des tiques un peu partout. En Alsace, certes, mais aussi dans le Centre, maintenant dans les Pyrénées, comme nous le confiait l’un de nos auteurs, Bernard Doutres, dont le frère médecin dans les Pyrénées-Orientales fait face à de nombreux cas. L’épidémie pourrait se propager de manière fulgurante avec la hausse des températures. Les enfants sont particulièrement menacés. Chez eux, un Lyme peut ruiner un parcours scolaire, et bien plus encore. Lyme pourrait aussi se transmettre par transfusion, par voie sexuelle. Et la bactérie passe de la mère à son enfant.

    A Strasbourg, j’ai croisé des chercheurs formidables, des médecins pleins d’empathie et d’abnégation, pauvres petits soldats lancés, sans aucun soutien académique ni gouvernemental, à l’assaut de ce qui pourrait constituer dans les décennies à venir le challenge médical le plus ardu posé à l’humanité.

    A Strasbourg, j’ai écouté Richard Horowitz parler de ses patients, de son travail de détective médical, des traitements qu’il tente : des antibiotiques qui marchent ou qui sont en échec, d’autres antibiotiques qui feront renaître les malades à la vie, des plantes, du DMSA contre les métaux lourds... Je lui ai dit combien son travail mérite le respect, combien son livre, qu’il a mis quatre ans à écrire, est brillant et représente d’espoir pour les médecins et les malades.

    A Strasbourg, je les ai croisés, ces patients diminués mais dignes, ces malades en béquilles, ces adolescents en fauteuil. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai une pensée pour eux et tous ceux qui suivront, victimes de l’ignorance ou de l’indifférence coupable des autorités de santé. Une guerre est déclarée. Contre les Borrelia, bien sûr, mais aussi contre ces mandarins des ministères qui refusent d’ôter leurs oeillères.

    Alors, si les autorités sanitaires restent muettes, voire hostiles, c’est à vous de faire passer le message. Ceux qui souffrent d’une myriade de troubles inexpliqués, qui continuent d’être une énigme pour leur médecin traitant, doivent envisager désormais sérieusement la piste infectieuse. Ceux qui sont en bonne santé doivent redoubler de précautions à l’extérieur, et même dans le jardin en tondant la pelouse ! Ceux qui ont des enfants dans les zones à risque doivent les examiner au retour des escapades, sous la douche ou dans le bain. Ceux qui soignent, qui nous soignent, doivent se former sans délai. Ceux qui décident, dans les ministères et ailleurs, seront bien obligés d’ouvrir les yeux.

    C’est dans ces moments que je me dis que mon équipe et moi-même sommes fiers d’être de ce nouveau combat.

    #santé