hubertguillaud

Journaliste et rédacteur en chef de http://www.internetactu.net - aka @iactu -, le média de la Fondation internet nouvelle génération http://www.fing.org

  • Pourquoi construire des routes plus larges empire le trafic plutôt que de l’améliorer ? - Wired
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/89940410256

    Quand on est pris dans un bouchon, souvent, l’automobiliste a tendance à pester en se demandant mais pourquoi donc n’y-a-t-il pas une voie supplémentaire… Et bien, ce remède aurait plutôt tendance à aggraver le mal, rapporte Adam Mann pour Wired. En fait, quand on augmente le nombre de routes, on augmente mathématiquement le nombre de kilomètres parcourus. Les nouvelles routes créent de nouveaux conducteurs ce qui a pour résultat que l’intensité du trafic reste la même. Plus on développe la capacité des gens à voyager et plus ils se déplacent loin. “Tant que la conduite sur route demeure facile et pas chère, les gens ont un désir presque illimité à l’utiliser.” Pourtant, même dans les villes qui ont amélioré les transports en commun, la congestion routière est restée la même. Mais le phénomène fonctionne (...)

    #transport #citelabo

    • Donc, pour limiter la congestion des axes routiers sur-subventionnés, il ne sert à rien de développer des transports en communs en fonction des besoins réels de déplacement, mais il faut faire payer la liberté de circulation, pour que les pauvres ne puissent plus l’exercer du tout (car pas de transports en commun) et qu’ils laissent ainsi les riches profiter harmonieusement des infrastructures chèrement financées par tous au détriment de toutes les autres !
      Ouais !
      #capitalisment #privatisation #espace_public

    • Entièrement d’accord @monolecte C’est ce que je rappelle toujours sur les péages urbains... Comme j’ai oublié de le faire là, j’ai mis à jour et t’ai cité.

      Pour éviter l’inégalité des péages, on a pensé au tirage au sort des plaques minéralogiques (paires et impaires), mais là encore les plus aisés peuvent facilement contourner (en disposant de plusieurs véhicules). Pour être égalitaire, il faudrait imaginer un tirage au sort total des voitures qui ont le droit de circuler certains jours (mais là encore, ceux qui ont plusieurs voiture demeurent ceux qui ont le plus de chance de ne pas être tiré au sort)... Reste plus qu’à supprimer la voiture alors...

    • Pour moi le péage urbain est théoriquement le meilleur système, puisqu’il est normal que l’usager paie pour les nuisances qu’il occasionne à l’espace public (pollution, bruit, dégradation de la chaussée) en plus de sa contribution à l’édifice collectif (impôts) par rapport au piéton, au cycliste ou autre usager des TC.
      Le problème fondamental, c’est les inégalités entre riches et pauvres (sujet maintes fois ressassé, mais jamais résolu :-).
      Et la concentration inhumaine de nos mégalopoles si vastes qu’il est impossible d’y survivre sans voiture...

      Toujours le dilemme de savoir si on doit accepter une rustine ou s’acharner encore et encore à espérer à changer une roue qu’on n’a pas réussi à démonter jusqu’ici...

    • Dans ton ajout, @hubertguillaud, on a l’impression que je préconise le péage urbain, alors que je le dénonce comme règlement inégalitaire d’une situation qui l’est déjà : on a favorisé la route au détriment du collectif depuis des années... avec les effets que l’on connait, à savoir que les déplacements sont de plus en plus compliqués pour les pauvres : prix des voitures et du carburant, réseaux de transports en commun sous-dimensionné (pour faire de la place aux voitures particulières) et généralement en étoile, c’est à dire conçus pour servir en priorité les besoins des habitants des quartiers bourgeois du centre au détriments des classes populaires mal desservies dans des habitats de plus en plus excentrés et enclavés, sans communications entre eux.

    • Un exemple de détournement d’un transport collectif au profit d’une minorité bourgeoise : le rail.
      Là où le réseau était capillaire et desservait le territoire en profondeur avec des dessertes inter-régionales), maintenant, il n’y a plus que des lignes principales coûteuses, centralisées essentiellement autour des besoins des habitants bourgeois de la capitale : accéder rapidement aux centres de décisions des métropoles régionales et sur-dotations saisonnières pour les destinations de vacances des mêmes bourgeois du centre-ville. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le rail et l’avion, au début « complémentaires » sont maintenant en concurrence frontal parce que desservant les mêmes sites avec la même logique pour la même population-cible (10 à 12% de la population totale).

    • Toute valeur d’usage peut être produite de deux façons, en mettant en œuvre deux modes de production : un mode autonome et un mode hétéronome. Ainsi, on peut apprendre en s’éveillant aux choses de la vie dans un milieu rempli de sens ; on peut aussi recevoir de l’éducation de la part d’un professeur payé pour cela. On peut se maintenir en bonne santé en menant une vie saine, hygiénique ; on peut aussi recevoir des soins de la part d’un thérapeute professionnel. On peut avoir un rapport à l’espace que l’on habite fondé sur des déplacements à faible vitesse : marche, bicyclette ; on peut aussi avoir un rapport instrumental à l’espace, le but étant de le franchir, de l’annuler, le plus rapidement possible, transporté par des engins à moteur. On peut rendre service à quelqu’un qui vous demande de l’aide ; on peut lui répondre : il y a des services pour cela.

      Contrairement à ce que produit le mode hétéronome de production, ce que produit le mode autonome ne peut en général être mesuré, évalué, comparé, additionné à d’autres valeurs. Les valeurs d’usage produites par le mode auto­nome échappent à l’emprise de l’économiste ou du comp­table national. Il ne s’agit certes pas de dire que le mode hétéronome est un mal en soi, loin de là. Mais la grande question qu’Illich eut le mérite de poser est celle de l’articu­lation entre les deux modes. Il ne s’agit pas de nier que la production hétéronome peut vivifier intensément les capaci­tés autonomes de production de valeurs d’usage. Simple­ment, l’hétéronomie n’est ici qu’un détour de production au service d’une fin qu’il ne faut pas perdre de vue : l’autono­mie. Or l’hypothèse d’Illich est que la « synergie positive » entre les deux modes n’est possible que dans certaines conditions très précises. Passés certains seuils critiques de développement, la production hétéronome engendre une complète réorganisation du milieu physique, institutionnel et symbolique, telle que les capacités autonomes sont para­lysées. Se met alors en place ce cercle vicieux divergent qu’Illich a nommé #contre-productivité. L’appauvrissement des liens qui unissent l’homme à lui-même, aux autres et au monde devient un puissant générateur de demande de substituts hétéronomes, qui permettent de survivre dans un monde de plus en plus aliénant, tout en renforçant les condi­tions qui les rendent nécessaires. Résultat paradoxal : passés les seuils critiques, plus la production hétéronome croît, plus elle devient un obstacle à la réalisation des objectifs mêmes qu’elle est censée servir : la médecine corrompt la santé, l’#école bêtifie, le #transport immobilise, les #communi­cations rendent sourd et muet, les flux d’#information détrui­sent le sens, le recours à l’#énergie_fossile, qui réactualise le dynamisme de la vie passée, menace de détruire toute vie future et, last but not least, l’#alimentation industrielle se transforme en poison.

      [...]

      Ce qui est ici en question est la critique du projet technicien qui caractérise la société industrielle. J’entends par là la volonté de remplacer le tissu social, les liens de solidarité qui constituent la trame d’une société, par une fabrication ; le projet inédit de produire les relations des hommes à leurs voisins et à leur monde comme on produit des automobiles ou des fibres de verre. L’#autoroute, le rein artificiel et l’Internet ne sont pas seulement des objets ou des systèmes techniques ; ils trahissent un certain type de rapport instrumental à l’espace, à la mort et au sens. C’est ce rapport instrumental, le rêve de maîtrise qu’il recouvre que la critique se doit d’analyser pour en mesurer les effets délétères. Car il ne faudrait pas qu’en voulant dominer la nature et l’histoire par leurs outils, les hommes ne réussis­sent qu’à se faire les esclaves de leurs outils.

      Jean Pierre Dupuy, « pour un catastrophisme éclairé », 2002
      et aussi #système_technicien

    • @koldobika : merci pour ce super extrait si lucide.

      @monolecte : oui pour le rail, c’est assez édifiant.
      Ces dernières années, les seuls investissements sur le réseau secondaire à consisté à électrifier les voies pour amener les parisiens en TGV jusqu’à St Malo, St Gervais, Bourg St Maurice... Par contre Roanne ou Bourg en Bresse à quelques km de Lyon sont encore au diesel, idem pour Troyes ou Evreux avec Paris...