• « Nous voulons échanger nos expériences personnelles de la guerre, monsieur »
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    Nazmi Al-Masri | Mondoweiss | 27 août 2014 |
    Traduction JPP pour l’AURDIP

    Ce jour-là est gravé dans ma mémoire.

    Comme tous les universitaires à Gaza, je pensais beaucoup à mes étudiants qui supportaient toutes sortes de douleurs atroces et d’inquiétudes en raison de l’agression d’Israël. Après quarante jours d’atrocités causées par les bombardements intenses et les tirs aveugles de l’artillerie, qui avaient détruit des milliers de maisons et anéanti un nombre incalculable de familles, l’université islamique de Gaza (UIG) fit tout ce qui était en son pouvoir pour utiliser le cessez-le-feu temporaire de trois jours, qui fut prolongé de cinq jours puis de 24 heures jusqu’à ce qu’il prenne fin à minuit le 19 août 2014. Il fut décidé de reprendre les cours le samedi 16 août, le semestre d’été avait été si crûment interrompu.

    J’étais incertain sur ce qu’il fallait dire à mes étudiants dans ma salle de cours. Bien des questions déchirantes m’occupaient l’esprit, et parmi elles : est-ce que tous mes étudiants et leurs familles sont en sécurité, ou certains sont-ils blessés ou mutilés ? Seront-ils mentalement aptes à venir en classe ? Vivent-ils toujours chez eux, ou sont-ils déplacés dans quelque abri ? Comment ressentent-ils la reprise des cours au milieu de tels angoisses et chagrins ? Quelles tragédies chacun de mes étudiants a-t-il traversées, et combien seront prêts à en parler ? Accablé par ces préoccupations et bien conscient des blessures, des deuils et des difficultés profondes dont chaque Palestinien à Gaza a souffert, je me suis senti incapable d’entrer dans la classe avec un grand sourire sur le visage, comme je le fis toujours dans le passé.

    Tout de suite, je remarquai qu’environ 40 % des étudiants manquaient, ils pouvaient avoir perdu un père, une mère, un frère, une sœur. Cependant, et comme c’est la coutume en Palestine, je saluai ma classe de 40 étudiants avec l’expression idiomatique utilisée en de telles circonstances : « Bonjour et Salam (Paix sur vous tous), Louons tous Allah pour votre sécurité, et bon retour à l’UIG ».

    Dans un murmure, les voix tristes des étudiants répondirent : « Bonjour et Salam, Louons tous Allah pour votre sécurité, monsieur ».

    Je continuai à parler, « Aujourd’hui nous ne sommes pas réunis pour débattre d’un sujet ou d’un projet particuliers. Nous sommes ici pour échanger… »

    Avant que j’aie pu finir, un étudiant m’interrompit : « Nous voulons échanger nos expériences personnelles de la guerre, monsieur ».

    Sans la moindre hésitation, je répondis : « Oui, et c’est exactement ce que nous allons faire. Je suis ici pour vous écouter et pour vous, pour partager nos expériences. Qui aimerait commencer ? »
    (...)

    #Beit_Hanoun #Shijayia